
Une revue de la littérature réalisée par la FDVF, recoupant les articles de Dermatologie des journaux scientifiques les plus pertinents, sortis les 6 derniers mois (plus de 800 articles examinés). Nous sélectionnons 30 sujets qui pourraient intéresser les jeunes (et moins jeunes) dermatologues avec pour objectif de présenter des thèmes variés et de tenter d’en proposer une lecture critique dans de courts résumés.
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ONCODERMATOLOGIE
Le traitement de référence du carcinome spinocellulaire repose sur la chirurgie. Cependant, certains patients présentent des critères “à haut risque” de récidive (atteinte ganglionnaire majeure, métastases in-transit, T4, invasion périnerveuse, récidive locale associée). Le rôle d’un traitement adjuvant systémique reste non établi. L’essai C-POST est un essai international de phase III, double aveugle, randomisant 415 patients à haut risque traité chirurgicalement (209 cemiplimab, 206 placebo). Le traitement (toutes les 3 semaines) était poursuivi pour un an (48 semaines). Le critère principal est la survie sans maladie (DFS), évaluée par un comité indépendant.
Après un suivi médian de 24 mois, la DFS est significativement améliorée dans le groupe cémiplimab avec un HR à 0,32 (IC 95 % : 0,20–0,51 ; p < 0,001), soit une réduction de 68 % du risque de récidive ou décès. La DFS à 24 mois était de 89 % dans le groupe cemiplimab contre 67 % (placebo). Les courbes se séparent précocement et le bénéfice est observé dans la majorité des sous-groupes, quel que soit le statut PD-L1. La survie globale n’est pas encore mature : au moment de l’analyse, 25 décès sont enregistrés, sans différence significative entre les groupes. Les événements de grade ≥ 3 étaient de 24 % sous cemiplimab versus 14 % sous placebo. Un décès lié au traitement est rapporté dans le bras cemiplimab.
Malgré un recul trop court pour la survie globale, le cémiplimab adjuvant améliore la DFS de manière significative pour les CEC à haut risque. Les patients immunodéprimés — souvent concernés par les CEC agressifs — étaient exclus, ce qui limite la transposabilité de façon notable. Ces résultats diffèrent néanmoins de ceux de l’étude KEYNOTE-630 (pembrolizumab vs placebo en adjuvant dans les CEC à haut risque), possiblement en lien avec le délai d’administration de l’immunothérapie adjuvant après la chirurgie, plus court dans l’essai C-POST. Ces résultats établissent pour la première fois un standard adjuvant efficace dans cette pathologie, en attente de confirmation sur la survie globale et chez les patients immunodéprimés, et sous réserve de débuter le traitement de manière précoce. L’utilisation de l’immunothérapie avant même la chirurgie (en néoadjuvant) est également une piste prometteuse pour ces patients.
Rischin D, Porceddu S, Day F, et al. Adjuvant Cemiplimab or Placebo in High-Risk Cutaneous Squamous-Cell Carcinoma. N Engl J Med. 2025;393(8):774-785. doi:10.1056/NEJMoa2502449
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.04.030
Le carcinome basocellulaire avancé reste un défi thérapeutique lorsque la chirurgie ou la radiothérapie ne sont pas possibles. Les inhibiteurs de la voie Hedgehog, vismodegib et sonidegib, permettent des taux de réponse élevés mais une toxicité souvent limitante qui impose une interruption du traitement. Or, la durabilité de la réponse après cet arrêt reste mal documentée. Cette analyse post hoc de l’essai de phase II BOLT examine précisément ce point sur un suivi prolongé de 42 mois.
L’étude initiale a randomisé 230 patients atteints de CBC non résécables entre sonidegib 200 mg et 800 mg par jour ; l’analyse se concentre sur les 66 patients recevant la dose recommandée de 200 mg qui ont interrompu le traitement sans progression tumorale. Parmi eux, 37 patients (56 %) ont arrêté le sonidegib après une réponse complète ou partielle documentée. La durée moyenne d’exposition avant l’arrêt est de 11,6 mois, et la durée moyenne de suivi après arrêt atteint environ 14 mois. Entre 8,6% et 27% des patients présentent une progression après l’arrêt du traitement (selon évaluation par l’investigateur ou non), avec un délai médian entre l’arrêt du traitement et la progression de 145 jours. Les taux de réponse objective (ORR) sont de 57% à 73% selon l’évaluation, proches des résultats obtenus dans la population globale de l’essai. Plus de 83 % des patients conservent une réponse durable à 12 mois après arrêt du traitement (contre environ 69 % dans la cohorte globale).
Ces résultats suggèrent que l’effet antitumoral du sonidegib persiste plusieurs mois après l’arrêt, probablement grâce à une inhibition prolongée de la voie Hedgehog dans les cellules tumorales et leur microenvironnement. Cette observation a une valeur pratique importante, car les toxicités chroniques du traitement (crampes musculaires, alopécie, dysgueusie, perte de poids) constituent la principale cause d’interruption. Les données de tolérance collectées confirment d’ailleurs que la majorité des patients interrompent le traitement pour ces effets indésirables, généralement réversibles après quelques semaines. L’analyse souligne aussi qu’aucun schéma posologique alterné n’a été formellement évalué ici, même si la persistance de la réponse laisse envisager la faisabilité de protocoles intermittents à l’avenir. Les limites tiennent au caractère rétrospectif et post hoc de l’analyse, à un effectif réduit (n = 66) et à l’absence de biopsies ou d’imagerie systématique après l’arrêt du traitement, ce qui empêche d’évaluer formellement la dynamique biologique de la réponse. Il existe aussi une hétérogénéité d’évaluation entre les centres. Malgré ces réserves, ces résultats suggèrent que chez des patients atteints de laBCC répondeurs au sonidegib, une poursuite indéfinie du traitement n’est pas toujours nécessaire pour maintenir le contrôle tumoral.
Migden MR, Kheterpal M, Moody B, et al. Efficacy following discontinuation of sonidegib 200 mg daily treatment in patients with locally advanced basal cell carcinoma: Post hoc analysis of the 42-month BOLT study. J Am Acad Dermatol. 2025;93(2):468-471. doi:10.1016/j.jaad.2025.04.030
DOI: 10.1016/j.ejca.2025.115427
L’enfortumab védotin (EV) est un anticorps conjugué dirigé contre Nectin-4, utilisé dans le traitement du carcinome urothélial métastatique, désormais en 1ère ligne en association avec le pembrolizumab. Les toxicités cutanées sont fréquentes sous EV, en lien avec l’expression de Nectin-4 sur les kératinocytes, mais leur valeur pronostique restait incertaine. Cette étude rétrospective bicentrique, menée au Centre Léon Bérard et à l’Hôpital Lyon Sud, évalue l’association entre ces effets indésirables cutanés et la survie des patients traités par EV en monothérapie.
Soixante-trois patients ont été inclus avec un suivi médian de 15,1 mois. L’âge médian est de 71 ans, et 67 % des patients sont des hommes. Tous ont reçu au moins une chimiothérapie à base de platine et, pour la quasi-totalité, un inhibiteur de point de contrôle immunitaire. Des toxicités cutanées (exanthème maculopapuleux ou dermatose exfoliative/bulleuse) sont survenus chez 18 patients (28,6 %), un seul cas de grade 3. Ces éruptions apparaissent en médiane 14 jours après le début du traitement, confirmant leur survenue précoce.
Les patients ayant présenté une toxicité cutanée montrent une meilleure survie sans progression (PFS) médiane de 9,2 mois contre 4,7 mois chez les autres (HR = 0,35 ; p = 0,0041). Après ajustement sur le statut ECOG, le taux d’hémoglobine et le nombre de lignes antérieures, l’association reste significative (HR = 0,40 ; p = 0,0319). La survie globale (OS) médiane n’est pas atteinte chez les patients avec toxicité, contre 8,4 mois dans le groupe sans rash (HR = 0,38 ; p = 0,0253), mais cette différence perd sa significativité en analyse multivariée (HR = 0,41 ; p = 0,067), malgré une tendance favorable. L
Ces résultats peuvent être le reflet d’un marqueur pharmacodynamique positif, puisque l’expression de Nectin-4 dans la peau et les tumeurs traduit une exposition systémique efficace du médicament. D’un point de vue physiopathologique, la toxicité cutanée pourrait signaler une inhibition effective de la cible ou une activation immunitaire secondaire à la lyse kératinocytaire. Ces données rejoignent plusieurs séries antérieures suggérant que les toxicités cutanées associées aux anticorps conjugués anti-Nectin-4 sont corrélées à l’efficacité tumorale. Cliniquement, ces réactions cutanées se gèrent le plus souvent par des émollients ou des corticoïdes topiques ; un traitement par corticothérapie systémique ou un arrêt temporaire peut être requis dans les cas sévères. Il est essentiel de surveiller et traiter précocement ces toxicités cutanées afin de prévenir les interruptions thérapeutiques inutiles. Les limites de l’étude sont celles d’un travail rétrospectif et l’abence d’évaluation dermatologique systématique pour les patients. De plus, les patients traités par la combinaison EV + pembrolizumab ont été exclus, limitant l’extrapolation à la pratique actuelle où cette association est devenue le standard de première ligne. Cependant, la survenue de toxicités cutanées sous EV semble être un biomarqueur précoce d’efficacité chez ces patients.
Belkaïd S, Ribereau-Gayon E, Chabaud S, et al. Association between drug-related cutaneous adverse events and survival outcomes in patients treated with enfortumab vedotin. Eur J Cancer. 2025;222:115427. doi:10.1016/j.ejca.2025.115427
DOI: 10.1093/bjd/ljae470
L’immunothérapie a profondément modifié le pronostic du mélanome métastatique, mais la combinaison ipilimumab + nivolumab (I+N), même si supérieure en 1ère ligne dans l’essai aboutissant à son AMM reste discutée en raison de sa toxicité accrue par rapport à la monothérapie par nivolumab (N). Cette étude française, issue de la cohorte prospective MelBase, vise à comparer l’efficacité et la tolérance de ces deux options en conditions réelles. Elle inclut 822 patients atteints de mélanome de stade IIIc ou IV traités en première ligne entre 2013 et 2022 : 406 reçoivent N seul et 416 reçoivent I+N (dont 350 sous schéma I3+N1 et 66 sous schéma I1+N3). Les patients du groupe I+N sont en moyenne plus jeunes (59 vs 70 ans) et présentent des formes plus avancées, avec davantage de métastases cérébrales (27 % vs 16 %) et viscérales. Après un suivi médian de 20,7 mois, la survie globale (OS) à 36 mois atteint 57,1 % sous I+N contre 46,6 % sous N (HR = 1,4 ; IC95 % 1,1–1,8), différence confirmée après ajustement. La survie sans progression (PFS) à 36 mois s’élève à 42,3 % sous I+N versus 21,9 % sous N (HR = 1,6 ; IC95 % 1,4–1,9). Ces bénéfices sont particulièrement marqués chez les patients ayant une LDH normale, une mutation BRAF sauvage ou des métastases cérébrales, avec des gains absolus de survie de 15 à 30 points dans ces sous-groupes. En revanche, aucune amélioration n’est observée pour les patients avec LDH élevée ou mutation BRAF. Le taux de réponse objective (ORR) est identique entre les deux bras (44 %), mais la durée de réponse semble prolongée avec la bithérapie, suggérant une meilleure persistance des effets immunitaires.
La toxicité globale est comparable (84 % sous N vs 82 % sous I+N), mais les effets indésirables sévères (grade ≥3) sont plus fréquents avec I+N (41 % vs 29 %), principalement d’ordre digestif, hépatique, cutané et endocrinien. Cependant, ces taux demeurent inférieurs à ceux observés dans les essais randomisés (jusqu’à 55 % de toxicité sévère dans CheckMate 067), probablement grâce à une meilleure prise en charge en vie réelle et à l’usage plus fréquent du schéma allégé I1+N3. En analyse complémentaire restreinte au protocole I3+N1, les résultats de survie restent inchangés, confirmant la robustesse des données. Les auteurs notent aussi que près d’un tiers des patients traités par I+N auraient été exclus des essais cliniques du fait de leur état général ou de métastases cérébrales actives, ce qui souligne la représentativité accrue de cette cohorte.
Malgré les limites méthodologiques inhérentes à son design observationnel – notamment un déséquilibre d’âge partiellement corrigé par le score de propension – cette étude constitue la plus large analyse en vie réelle comparant I+N à N dans le mélanome métastatique. Elle démontre une amélioration significative de la PFS et une tendance nette à la prolongation de l’OS, au prix d’une toxicité maîtrisée, confirmant la pertinence de la bithérapie pour les patients jeunes, sans comorbidités majeures et avec maladie agressive ou cérébrale. Les auteurs concluent que, dans la pratique clinique courante, le bénéfice du double blocage immunitaire demeure tangible et mieux toléré qu’attendu, mais qu’il nécessite une sélection rigoureuse des patients et un suivi étroit.
Billard K, Mortier L, Dereure O, et al. The efficacy and safety of first-line metastatic melanoma treatment with ipilimumab + nivolumab vs. nivolumab in a real-world setting. Br J Dermatol. 2025;192(6):1096-1105. doi:10.1093/bjd/ljae470
Intérêt de la photographie corporelle totale 3D du corps entier chez les patients à haut risque de mélanome
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.0211
Cette étude clinique randomisée évalue l’intérêt d’ajouter la photographie 3D du corps entier (3D PCT) et l’imagerie dermoscopique numérique séquentielle (SDDI) à la prise en charge habituelle des patients à haut risque de mélanome. Le mélanome représente un enjeu croissant avec 324 635 nouveaux cas et 57 043 décès dans le monde en 2020. Le diagnostic précoce est essentiel, car la mortalité augmente avec l’épaisseur tumorale. Le dépistage généralisé n’est pas recommandé, faute de preuves d’efficacité. En Australie, les patients à risque bénéficient d’un examen cutané complet semestriel avec dermoscopie, éventuellement complété par une photographie corporelle totale. Toutefois, l’absence d’enregistrement systématique des changements cutanés entraîne un risque de surdiagnostic et de surtraitement.La 3D PCT permet une acquisition rapide d’images haute résolution du corps entier, facilitant la surveillance et la télédermatologie. L’essai compare le suivi habituel seul à un suivi associant 3D PCT et SDDI.
Réalisé en Australie auprès de 314 adultes à haut risque, il montre qu’ajouter ces outils, sans intelligence artificielle, augmente significativement le nombre d’exérèses et de biopsies. Au total, 1527 exérèses sont effectuées (905 dans le groupe intervention contre 622 dans le témoin). Le nombre moyen d’exérèses par personne est plus élevé dans le groupe intervention (5,73) que dans le témoin (3,99) (P = 0,02), avec un taux d’incidence 1,46 fois supérieur (P < 0,001). Malgré cette hausse, aucun écart significatif n’est observé sur le nombre moyen de mélanomes diagnostiqués : 0,08 par personne dans le groupe intervention contre 0,16 dans le témoin après un an. Soixante-sept mélanomes sont confirmés, dont 81 % in situ. Le taux de carcinomes cutanés est également plus élevé dans le groupe intervention (ratio 1,76 ; P < 0,001), tandis que le ratio de lésions bénignes/malignes excisées reste similaire entre groupes.
Les auteurs recommandent une mise en œuvre prudente afin de limiter les biopsies inutiles. Les limites de l’étude incluent l’absence d’accès aux images 3D longitudinales pour les médecins, le tri initial des lésions par des cliniciens juniors et un possible biais de type Hawthorne. La population étudiée, majoritairement à peau claire et assurée en privé, ainsi que le contexte de la pandémie, limitent la généralisation. Des études futures devraient comparer la télédermatologie seule aux soins standards et évaluer la contribution de l’intelligence artificielle pour améliorer le diagnostic.
Soyer HP, Jayasinghe D, Rodriguez-Acevedo AJ, et al. 3D Total-Body Photography in Patients at High Risk for Melanoma: A Randomized Clinical Trial. JAMA Dermatol. 2025;161(5):472-481. doi:10.1001/jamadermatol.2025.0211
Analyse coût efficacité de photographie corporelle totale 3D
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.0219
En back to back dans la même édition du JAMA dermatology, une autre équipe s’est intéressée à l’analyse coût efficacité de la photographie corporelle totale 3D. Cette analyse coût-efficacité sur 2 ans montre que l'ajout de la photographie 3D à la surveillance habituelle coûte 945$ de plus par patient, détecte un nombre similaire de tumeurs malignes et génère plus de biopsies bénignes, sans gain de QALYs. Cette étude est limitée par son caractère monocentrique (Queensleand), une durée de suivi courte (2 ans), réalisées par des cliniciens juniors, dans contexte australien (forte prévalence), et les coûts de la technologie qui sont simplement estimés.
Lindsay D, Soyer HP, Janda M, et al. Cost-Effectiveness Analysis of 3D Total-Body Photography for People at High Risk of Melanoma. JAMA Dermatol. 2025;161(5):482-489. doi:10.1001/jamadermatol.2025.0219
Quels modèles pour prédire un ganglion sentinelle positif dans le mélanome ?
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.0113
La biopsie du ganglion sentinelle (BGS) joue un rôle central dans le staging du mélanome et l'orientation des thérapies systémiques. Pour guider la décision de réaliser cette intervention invasive, de nombreux modèles prédictifs du risque de positivité ganglionnaire existent. Une récente revue systématique met toutefois en lumière un problème majeur : une variabilité significative entre les estimations de ces modèles, avec des écarts pouvant dépasser 10 % pour un même patient, notamment chez les sujets jeunes ou ceux présentant des mélanomes épais. Cette divergence présente une pertinence clinique majeure, car le seuil de 5 à 10 % de risque de positivité est souvent celui qui motive la décision de procéder à une BGS. Cette situation souligne l'absence, jusqu'à ce jour, d'une revue systématique comparant de manière exhaustive ces différents modèles prédictifs.
Cette nouvelle publication se présente comme une revue systématique et méta-analyse examinant 21 modèles de prédiction distincts, issus de 23 articles. L'analyse met en évidence que les modèles les plus fréquemment validés sont ceux du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) et du Melanoma Institute of Australia (MIA). Leurs performances de discrimination, bien que solides, sont jugées comparables, avec un C-statistic moyen pondéré respectif de 0,73 (IC 95 %, 0,69–0,78) pour le modèle MSKCC et de 0,70 (IC 95 %, 0,66–0,74) pour le modèle MIA. Concernant l'apport des tests génétiques, l'étude livre une conclusion notable : elle ne trouve aucune différence significative de performance discriminative entre les modèles intégrant des profils d'expression génique et ceux utilisant uniquement des caractéristiques clinico-pathologiques (C-statistic poolé de 0,83 vs 0,77 ; p = 0,11).
Cependant, la portée de ces résultats est modérée par plusieurs limites méthodologiques importantes identifiées dans l'analyse elle-même. La première est une hétérogénéité statistique considérable dans la méta-analyse (I² = 97,4 %), ce qui suggère l'existence de différences non mesurées entre les populations de patients. La dépendance quasi exclusive au C-statistic comme mesure de performance est également critiquée, car cet indice peut s'avérer peu sensible aux seuils de décision cliniquement pertinents de 5 à 10 %. De plus, de nombreuses études de validation externe omettent d'évaluer la calibration des modèles, une étape pourtant cruciale avant toute implémentation en pratique clinique locale. Face à ces constats, la nécessité de mener des études comparatives directes (head-to-head) devient évidente, afin non seulement d'identifier le modèle global le plus robuste, mais aussi d'évaluer rigoureusement l'impact de son implémentation sur la réduction du nombre de BGS non nécessaires.
Ma B, Gandhi M, Czyz S, et al. Risk Prediction Models for Sentinel Node Positivity in Melanoma: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Dermatol. 2025;161(5):523-532. doi:10.1001/jamadermatol.2025.0113
DOI: 10.1016/j.jaad.2024.10.083
L’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI) dans le traitement du mélanome est influencée par la composition du microbiote intestinal. Dans ce contexte, l’utilisation d’antibiotiques avant le début d’une immunothérapie est reconnue comme un facteur associé à une moins bonne survie des patients. Cependant, l’impact précis du délai entre la fin d’une antibiothérapie et l’initiation d’un traitement par ICI reste une question peu explorée. Cette étude rétrospective aborde spécifiquement cette problématique en émettant l’hypothèse qu’un intervalle de temps plus long entre l’utilisation d’antibiotiques et des ICI est corrélé à une amélioration de la survie globale. Cette investigation apporte des données nouvelles et significatives sur l’importance de ce délai.
Dans une première étude monocentrique, la survie globale médiane est 3,6 fois supérieure lorsque l’intervalle est de 8 jours ou plus, passant de 7,0 mois pour un délai de 0 à 7 jours à 25,5 mois pour un délai de 8 à 90 jours. Une validation sur des cohortes multicentriques appariées par score de propension selon l’âge, le sexe, l’usage de corticostéroïdes systémiques et la présence de sepsis sévère confirme ce résultat, avec une survie globale médiane significativement plus élevée dans le groupe 8-90 jours (4,7 ans) par rapport au groupe 1-7 jours (3,9 ans), ce qui correspond à un hazard ratio (HR) de 0,84 (IC à 95 %, 0,73–0,97 ; p = 0,001). De plus, une analyse post hoc suggère une tendance à une amélioration encore plus marquée, avec une survie globale médiane de 8,5 ans pour un délai de 15 à 30 jours contre 4,4 ans pour un délai de 1 à 14 jours. Ce dernier résultat n’atteint toutefois pas la significativité statistique (HR = 0,77 ; IC à 95 %, 0,54–0,85 ; p = 0,13). L’étude conclut donc qu’un délai d’au moins 8 jours entre la fin de l’antibiothérapie et le début de l’ICI apporte une amélioration statistiquement significative de la survie globale, tandis qu’un délai de 15 jours ou plus montre une forte tendance vers un bénéfice encore plus grand, qui mériterait confirmation.
Il convient toutefois de noter que cette étude présente des limites, reconnues par les auteurs. La principale limite identifiée est le risque de biais de confusion par indication (confounding by indication). Ce biais potentiel doit être pris en compte lors de l’interprétation des résultats, car les raisons médicales justifiant la prescription d’antibiotiques à proximité du début de l’immunothérapie pourraient elles-mêmes être des facteurs influençant la survie, indépendamment de l’effet de l’antibiotique sur le microbiote.
Hirner JP, Rajeh A, Semenov YR, Kwatra SG, LeBoeuf NR. A retrospective cohort study of the time between prior antibiotics and checkpoint inhibitors and association with survival in melanoma patients. J Am Acad Dermatol. 2025;92(4):878-879. doi:10.1016/j.jaad.2024.10.083
DOI: 10.1038/s41591-025-03715-6
Malgré les avancées significatives des traitements standards dans la prise en charge du mélanome, de nombreux patients connaissent une récidive ou une progression de leur maladie, ce qui représente un défi clinique majeur. Les stratégies basées sur un biomarqueur unique montrent leurs limites, soulignant le besoin d’une caractérisation plus fine des tumeurs. L’émergence des technologies omiques, qui intègrent de multiples couches d’informations moléculaires et cellulaires, incluant la phosphorylation, l’expression génique ou la réponse médicamenteuse, ouvre la voie à une médecine de précision allant au-delà des simples mutations génétiques. Cependant, les preuves concrètes soutenant la faisabilité et l’utilité clinique de ces analyses multiomiques pour guider les décisions thérapeutiques en pratique courante restent limitées. Cette étude se positionne précisément pour répondre à ce besoin, en évaluant la pertinence d’un profilage tumoral approfondi pour éclairer la prise en charge des patients.
Le projet TuPro est une étude prospective et multicentrique qui évalue la faisabilité du profilage tumoral multiomique chez 116 patients atteints de mélanome. Au moyen de neuf technologies distinctes, l’analyse génère un portrait moléculaire complexe en quatre semaines, un délai compatible avec la prise de décision clinique. Cette approche fournit des biomarqueurs additionnels aux marqueurs génétiques standards, tels que des données sur la phosphorylation, l’expression et la réponse aux médicaments. Dans 75 % des cas, ces données sont jugées utiles par le comité d’oncologie moléculaire, notamment pour identifier de nouvelles pistes thérapeutiques là où les diagnostics standards s’avèrent insuffisants. Pour le groupe de patients en situation palliative au-delà des traitements standards (dit « beyond SOC », n = 37), cette approche permet d’atteindre un taux de réponse objective de 38 % et un taux de contrôle de la maladie de 54 %. Pour l’ensemble des patients en situation palliative (SOC et beyond SOC) ayant reçu au moins trois lignes de traitement, la survie sans progression s’établit à 5,35 mois. Le signal clinique le plus fort de l’étude provient d’une analyse exploratoire comparative : pour les patients lourdement prétraités (≥ 3 lignes), la survie sans progression médiane atteint 8,34 mois dans le groupe TuPro contre 2,0 mois dans un groupe contrôle apparié, et le taux de contrôle de la maladie est de 64,7 % contre 23,5 %. Le projet TuPro démontre ainsi la faisabilité et la pertinence clinique de cette approche pour guider les décisions thérapeutiques.
Il est toutefois essentiel de reconnaître les limites de ce travail. L’étude TuPro est conçue comme une étude de faisabilité et non comme un essai contrôlé randomisé, ce qui restreint la généralisation de ses résultats. La comparaison avec une cohorte non TuPro, bien qu’appariée pour réduire les écarts, reste rétrospective et de nature exploratoire, ce qui introduit des biais potentiels. Par ailleurs, la sélection des biomarqueurs pertinents par des experts humains peut être suboptimale et ne pas exploiter toute la richesse des données. L’intégration future de méthodes d’intelligence artificielle pourrait permettre de surmonter cette limite. Ces observations soulignent la nécessité de mener des essais randomisés pour confirmer formellement ces résultats prometteurs et valider de manière rigoureuse l’apport clinique du profilage tumoral multiomique dans la prise en charge du mélanome.
Miglino N, Toussaint NC, Ring A, et al. Feasibility of multiomics tumor profiling for guiding treatment of melanoma. Nat Med. 2025;31(7):2430-2441. doi:10.1038/s41591-025-03715-6
DOI: 10.1001/jamadermatol.2024.5750
Les carcinomes cutanés (CC), qui incluent les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires (CSC), sont les cancers les plus fréquents. Les kératoses actiniques (KA), précurseurs des CSC, se développent au sein d’un « champ de cancérisation », une zone de peau chroniquement photo-exposée. Cette peau photo-endommagée est caractérisée par une charge mutationnelle tumorale parmi les plus élevées de tous les cancers, ce qui en fait une cible théorique idéale pour les immunothérapies. La problématique clinique réside dans l’efficacité limitée des thérapies conventionnelles qui, en ciblant des lésions individuelles, ne préviennent pas l’émergence de nouveaux cancers dans le champ. Le fardeau de la maladie pour les patients à haut risque reste donc élevé, ce qui souligne la nécessité de développer des stratégies d’immunoprévention systémiques efficaces.
Pour répondre à ce besoin, une étude pilote prospective de Cox et al., menée dans un centre hospitalier tertiaire à Brisbane, en Australie, explore une voie systémique novatrice. L’étude évalue l’effet des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI), spécifiquement des inhibiteurs de PD-1 ou de PD-L1, avec ou sans inhibiteur de CTLA-4, sur la cancérisation de champ chez 23 patients immunocompétents suivis pendant douze mois. Les résultats démontrent une efficacité remarquable sur les lésions précurseurs : le nombre moyen de KA diminue de manière significative, passant de 47,2 à l’inclusion à 14,3 à douze mois (p < 0,001). Le nombre total de CC excisés passe de 42 à 17 sur la même période, et celui des CSC de 16 à 5, bien que cette réduction n’atteigne pas la significativité statistique. L’analyse révèle que les patients plus jeunes et ceux ayant des antécédents de coups de soleil avec cloques sont plus susceptibles de présenter une réduction de plus de 65 % de leurs KA, suggérant que ces facteurs pourraient être des marqueurs indirects d’une charge mutationnelle plus élevée, augmentant ainsi le nombre de cibles pour la thérapie. Ces observations suggèrent que les ICI constituent une stratégie d’immunoprévention potentiellement efficace.
Cependant, cette étude pilote présente des limites méthodologiques importantes. La petite taille de l’échantillon (23 participants) restreint la puissance statistique des conclusions. De plus, l’évaluation du nombre de CC est rétrospective, basée sur les comptes rendus d’histopathologie, et un biais de surveillance est possible, les cliniciens pouvant retarder les procédures cutanées chez des patients sous traitement actif pour un cancer avancé. Au-delà de la méthodologie, l’utilisation des ICI en immunoprévention est limitée par leur toxicité potentiellement sévère et leur coût élevé. L’étude révèle ainsi une tension centrale : un effet biologique puissant sur les lésions précurseurs (KA) ne se traduit pas encore par une prévention statistiquement significative des cancers avérés (CC). Cette dissociation justifie pleinement la nécessité d’essais cliniques prospectifs de plus grande envergure pour valider ces stratégies d’immunoprévention chez des patients à très haut risque de CC, pour qui les autres options ne sont pas viables.
Cox C, Brown S, Walpole E, et al. Immune Checkpoint Inhibitors in Field Cancerization and Keratinocyte Cancer Prevention. JAMA Dermatol. 2025;161(4):383-390. doi:10.1001/jamadermatol.2024.5750
Cox C, Brown S, Walpole E, et al. Immune Checkpoint Inhibitors in Field Cancerization and Keratinocyte Cancer Prevention. JAMA Dermatol. 2025;161(4):383-390. doi:10.1001/jamadermatol.2024.5750
DERMATOLOGIE INFLAMMATOIRE
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.05.1374
Le pemphigus est une DBAI grave (mortalité de 10-26%). Le rituximab s'est imposé comme traitement efficace, mais les schémas posologiques proviennent d'autres pathologies (lymphome, polyarthrite rhumatoïde) sans optimisation spécifique au pemphigus. Cette étude prospective ouverte compare l'efficacité, la sécurité et la capacité de déplétion des lymphocytes B de trois régimes de rituximab sur 52 semaines.
Entre mai 2023 et octobre 2024, 52 patients atteints de pemphigus modéré à sévère reçoivent aux semaines 0 et 2 : rituximab ultra-faible dose (ULRTX, 100 mg, n=26), faible dose (LRTX, 500 mg, n=13) ou dose standard (SDRTX, 1000 mg, n=13). Des doses supplémentaires sont administrées selon la reconstitution des lymphocytes B CD20+. Tous reçoivent une corticothérapie concomitante. Les critères principaux incluent le délai de contrôle de la maladie, la rémission complète (RC), la rémission complète hors traitement (CROT) et la rémission complète sous traitement minimal (CRMT).
Un contrôle de la maladie est atteint chez 100% des patients, avec des délais médians de 15,5 jours (ULRTX), 14,0 jours (LRTX) et 13,0 jours (SDRTX) (p=0,02). Les taux de RC à 52 semaines sont de 92,3% (ULRTX) versus 100% (LRTX/SDRTX). Les taux de CROT sont comparables : 34,6% (ULRTX), 46,2% (LRTX) et 30,8% (SDRTX) (p=0,69). Les taux de CRMT atteignent 57,7%, 38,5% et 69,2% respectivement (p=0,23). Le délai médian pour obtenir une CROT est de 224 jours (ULRTX), 172 jours (LRTX) et 183 jours (SDRTX) (p=0,84). Une déplétion complète des lymphocytes B CD19+/CD20+ (<1%) survient universellement à la semaine 2 mais le groupe ULRTX montre une reconstitution plus rapide à 26 semaines (8,88% vs 1,25% et 0,51%, p<0,05), nécessitant une dose supplémentaire. Les doses cumulatives médianes de glucocorticoïdes sont de 4500 mg (ULRTX), 3150 mg (LRTX) et 4425 mg (SDRTX) (p=0,66). Les rechutes sont comparables : 23,1% (ULRTX et LRTX) versus 15,4% (SDRTX) (p=0,72). Les taux de négativation des anticorps anti-Dsg1/3 sont de 46,1%, 47,2% et 61,5% respectivement (p=0,63). Le groupe ULRTX présente le taux d'effets indésirables le plus faible (11,5% vs 30,8% et 38,5%), sans infection grave, contre 7,7% (LRTX) et 15,4% (SDRTX). L'ULRTX réduit les coûts de 32% versus LRTX et 53% versus SDRTX.
Les limites de cette étude sont le caractère monocentrique, non randomisée, la petite taille de l’échantillon (52 patients) et un suivi court (52 semaines). Les variations dans la diminution des corticoïdes peuvent introduire des biais.
Les trois régimes démontrent une efficacité comparable. L'ULRTX, malgré un délai légèrement supérieur pour contrôler la maladie, offre le meilleur profil de sécurité et une réduction significative des coûts, supportant son utilité dans la prise en charge personnalisée du pemphigus.
Cao S, Yang B, Wang Z, et al. Efficacy, safety, and B-cell depletion capacity of 3 rituximab dosing regimens in the treatment of moderate-to-severe pemphigus vulgaris and pemphigus foliaceus: A 52-week clinical trial. J Am Acad Dermatol. 2025;93(3):634-643. doi:10.1016/j.jaad.2025.05.1374
DOI: 10.1001/jamadermatol.2024.6130
L'essai RITUX 3 a démontré la supériorité du rituximab combiné à une corticothérapie courte par rapport aux corticoïdes seuls dans le pemphigus. Cependant, près de 20% des patients rechutent durant la première année, majoritairement entre le 6e et le 12e mois. Une analyse post-hoc a identifié trois prédicteurs de rechute précoce au 3e mois : un PDAI basal ≥45, des anticorps anti-DSG1 >20 UI/mL et/ou anti-DSG3 >130 UI/mL, avec une VPN de 94%.
Une étude de cohorte multicentrique française menée entre septembre 2018 et juin 2023 inclut 87 patients nouvellement diagnostiqués, d’âge moyen 55,3 ans, dont 50,6% de femmes. La population se compose de 73,6% de pemphigus vulgaris et 26,4% de pemphigus foliacés, avec un PDAI moyen basal de 29,7. Tous les patients reçoivent le schéma RITUX 3 initial (rituximab 1000 mg aux jours 1 et 14, associé à la prednisone). La stratégie thérapeutique personnalisée consiste à administrer une perfusion supplémentaire de rituximab (500 ou 1000 mg) à 6 mois chez les patients en rémission complète présentant au moins un prédicteur de rechute.
À 6 mois, 77 patients (88,5%) atteignent la rémission complète, dont 30 (39%) présentent au moins un prédicteur de rechute et reçoivent la perfusion supplémentaire. Les 47 patients sans prédicteur (61%) ne sont pas retraités. Aucun des 30 patients avec prédicteur ne rechute, contre 2 des 47 sans prédicteur rechutent, soit un taux global de rechute de 2,6%, comparé aux 17,6% observés dans RITUX 3. Le nombre de patients à traiter pour éviter une rechute est de 3,6 (IC95% 1,6-46,5).
À 12 mois, parmi les 77 patients en rémission complète à 6 mois, 93,5% sont en rémission sans corticoïdes depuis au moins 2 mois. Pour l’ensemble des 87 patients, ce taux est de 82,7%, nettement supérieur aux 67,4% observés dans RITUX 3. Les 10 patients (11,5%) présentant une maladie active persistante à 6 mois reçoivent du rituximab 2000 mg, permettant une rémission complète chez 8 d’entre eux. Le délai médian pour atteindre une rémission complète sans corticoïdes est de 197 jours.
Cette stratégie personnalisée permet d’éviter le surtraitement, 54% des patients ne recevant pas de retraitement à 6 mois, tout en réduisant drastiquement les rechutes. Elle apparaît plus efficiente que le protocole PEMPHIX, qui prévoit une administration systématique de 2000 mg de rituximab à 6 mois. La dose de 500 mg semble suffisante pour maintenir la rémission. La principale limite de l’étude réside dans son design observationnel, entraînant des variations dans l’utilisation des corticoïdes selon les investigateurs, sans toutefois remettre en cause la validité des prédicteurs identifiés.
Hébert V, Hamwi S, Tancrède-Bohin E, et al. Optimizing Pemphigus Management With Rituximab and Short-Term Relapse Predictors. JAMA Dermatol. 2025;161(4):399-405. doi:10.1001/jamadermatol.2024.6130
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.05.1376
La dermite séborrhéique (DS) est une dermatose inflammatoire chronique touchant 3 % de la population. Son impact sur la qualité de vie est majeur et les traitements topiques offrent un soulagement limité dans les formes modérées à sévères. Cette étude compare l’efficacité, la sécurité et les taux de récidive de l’isotrétinoïne à 10 mg versus 20 mg quotidiens.
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective incluant 234 patients adultes avec DS modérée à sévère traités entre 2022 et 2024 (126 patients sous 10 mg/jour et 108 sous 20 mg/jour) pendant au moins 3 mois. L’efficacité est évaluée par le SDASI (Seborrheic Dermatitis Area Severity Index) et le DLQI à l’inclusion et aux semaines 4, 8, 12, mois 6 et 12.
Les deux groupes présentent des caractéristiques similaires (âge médian 37 ans, 51 % peau grasse), sauf pour le sexe (plus de femmes dans le groupe 20 mg : 61 % vs 46 %, p = 0,022) et la durée de maladie (39,5 mois vs 33 mois, p = 0,001). La durée de traitement moyenne est de 4,2–4,5 mois. À 12 mois, le SDASI médian diminue à 3,0 (IQR 2,0–3,0) dans le groupe 20 mg contre 7,5 (IQR 7,0–8,0) dans le groupe 10 mg (p < 0,001). Le DLQI à 12 mois est de 2,0 (IQR 1,0–2,0) vs 5,0 (IQR 4,0–5,0) respectivement (p < 0,001). À 1 mois post-traitement, 83,3 % des patients sous 20 mg restent sans récidive contre 42,1 % sous 10 mg (p < 0,001). À 12 mois : 36,1 % vs 14,3 % (p < 0,001). L’analyse multivariée identifie le 20 mg comme facteur protecteur contre la récidive (OR = 0,131, IC95 % 0,037–0,459, p = 0,002). Les effets secondaires sont globalement comparables et bien tolérés.
Les limites importantes sont le design rétrospectif (sans score de propension) et l’absence de comparaison à un bras placebo et le suivi relativement court.
Néanmoins, cette étude démontre que l’isotrétinoïne 20 mg offre un contrôle supérieur de la DS modérée à sévère avec moins de récidives et une meilleure satisfaction que le 10 mg, en faveur de son utilisation préférentielle.
Demirbas A, Diremsizoglu E, Esen M, Demirbas GU. Efficacy, safety, and recurrence in seborrheic dermatitis: A dose-dependent analysis of oral isotretinoin (10 mg vs 20 mg). J Am Acad Dermatol. 2025;93(3):671-677. doi:10.1016/j.jaad.2025.05.1376
DOI: 10.1001/jamadermatol.2024.5416
L’isotrétinoïne est le traitement le plus efficace de l’acné sévère, mais les rechutes restent fréquentes après un premier cycle de traitement. Cet article analyse les facteurs de risque associés à la récidive de l’acné et les facteurs associés à la reprise de l’isotrétinoïne. Dans cette étude de cohorte rétrospective réalisée à partir de la base américaine MarketScan de 2017 à 2020, on inclut 19 907 patients âgés de 12 ans ou plus, traités pendant au moins 4 mois par isotrétinoïne et suivis pendant un an.
Au total, 4482 soit 22,5 % des patients présentent une rechute d’acné après un premier traitement, cette rechute survient 7,5 mois (2,7-13,7) en médiane après l’arrêt de l'isotrétinoïne. Parmi eux, 8,2 % nécessitent une reprise d’isotrétinoïne. Le risque de rechute est significativement plus élevé chez les femmes, avec un HR de 1,43 (IC95 1,35-1,52, p<0,001). Pour autant le sex féminin est associé à une reprise de l'isotrétinoïne après rechute plus faible HR 0,68 (IC95 0,62-0,76), p<0,001). Concernant les doses de traitement, une dose cumulée plus élevée (120-220 mg/kg) réduit le risque de rechute HR 0,996, (IC95% 0,995-0,097, p<0,001) ainsi que la reprise du traitement HR 0,99 (IC95 0,98-0,99, p<0,001). Cependant, une dose cumulative élevée (>220 mg/kg) n’apporte pas de bénéfice supplémentaire par rapport à une dose standard (120–220 mg/kg). En revanche, une dose cumulée faible (<120 mg/kg) augmente clairement le risque de rechute (26,1 % des patients) et de reprise du traitement (12,7 % des patients). La dose quotidienne maximale (mg/kg/jour) n’a pas d’effet significatif sur le risque de rechute lorsque la dose cumulée est suffisante (≥120 mg/kg), soulignant l’importance de la dose cumulée plutôt que de la dose quotidienne. Les patients suivis par un dermatologue présentent aussi un risque de rechute légèrement supérieur HR 1,21 (IC95 1,11-1,33, p<0,001) probablement en raison d’un dépistage plus précis ou d’une surveillance accrue. Les limites les plus importantes de cette étude sont le caractère rétrospectif, l’estimation du poids corporel des patients et l’absence de donnée clinique directe sur la sévérité de l’acné et sur la réponse thérapeutique. En conclusion, une dose cumulative suffisante (≥120 mg/kg) d’isotrétinoïne réduit significativement le risque de rechute et la nécessité d’une reprise du traitement, indépendamment de la dose quotidienne. Ces résultats appuient l’importance de la dose cumulée plutôt que la dose journalière et ouvrent la voie à des schémas plus flexibles, centrés sur la tolérance et la prévention des rechutes.
Lai J, Barbieri JS. Acne Relapse and Isotretinoin Retrial in Patients With Acne. JAMA Dermatol. 2025;161(4):367-374. doi:10.1001/jamadermatol.2024.5416
DOI: 10.1001/jamadermatol.2024.6542
La rosacée papulo pustuleuse affecte environ 5,5 % des adultes et altère fortement la qualité de vie. Actuellement, le seul traitement systémique approuvé par la FDA est la doxycycline à 40 mg/j. Le DFD-29, une formulation combinant 10 mg de minocycline à libération immédiate et 30 mg à libération prolongée, vise à offrir une efficacité anti-inflammatoire supérieure tout en minimisant les risques liés aux doses élevées de minocycline. L’objectif de l’étude est de comparer l'efficacité et la tolérance de cette formulation de minocycline au traitement de référence, la doxycycline, et au placebo dans des formes de rosacées modérées à sévères. Cet essai contrôlé randomisé combine les données de deux essais contrôlés randomisés (MVOR-1 et MVOR-2), menés entre mars 2022 et mai 2023 et incluant 653 patients. Les critères de jugement principaux sont l’amélioration versus placebo de l’IGA (définit par un passage à un grade 0 ou 1 et une diminution d’au moins 2 grades par rapport à la baseline) et la réduction moyenne du nombre des lésions inflammatoires. Les critères de jugement secondaires regroupent les deux critères de jugement principaux mais cette fois-ci versus doxycycline et la diminution de l’érythème (score CEA) versus placebo. L’ensemble des critères sont évalués à 16 semaines.
Concernant les résultats principaux, on note une amélioration de l’IGA avec une différence versus placebo de 32,9% (IC95 19,6%-46,2%, p<0,001) et une différence de 18% versus doxycycline (IC95 5%-31,1%, p<0,01)) dans MVOR-1 ; dans MVOR2, on note une tendance similaire avec une différence versus placebo de 34,1% (IC95 21,3%-46,8%, p<0,001) et une différence versus doxycycline de 28,3% (IC95 17,4%-39,3%, p<0,001). Pour la réduction moyenne du nombre de lésions inflammatoires, on note également une efficacité supérieure du traitement par DFD-29 versus placebo avec une différence absolue entre les traitements de -9,2 (IC95 -11,6 to -6,9; p<0,001) dans MVOR1 et de -6,8 (IC95 -8,9 to -4,8; p<0,001) dans MVOR2 et versus doxycycline avec une différence de -4,7 (IC95 -6,7 to -2,8; p<0,001) dans MVOR1 et une différence dans MVOR2 de -3,5 (IC95 -5,4 to -1,6; p<0,001). Il existe également une réduction du score CEA supérieure dans le groupe DFD-29 par rapport au placebo, 31,7% vs 13,8%, p<0,006 dans MVOR1 et de 24,5% vs 12% dans MVOR2. Concernant la tolérance, les effets indésirables les plus fréquents (nasopharyngite, céphalées, COVID-19) sont comparables entre les groupes, sans différence statistiquement significative. Aucun cas de pseudotumeur cérébrale ni d’hyperpigmentation n’a été observé. Les limites de l’étude sont la sous-représentation des phototypes foncés et l’éviction des facteurs déclenchants de la rosacée ce qui a pu atténuer la sévérité des poussées. En conclusion, le DFD-29 semble offrir une efficacité supérieure et une tolérance comparable à la doxycycline, constituant une nouvelle option thérapeutique pour la rosacée papulo pustuleuse modérée à sévère, avec un faible risque d’antibiorésistance à cette dose de 40mg.
Bhatia N, Del Rosso J, Stein Gold L et al. Efficacy, safety, and tolerability of oral DFD-29, a low-dose formulation of minocycline, in rosacea: two phase 3 randomized clinical trials. JAMA Dermatol. 2025;161(5):499-507. doi:10.1001/jamadermatol.2024.6542
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.01.089
Il s’agit d’une analyse post hoc, rétrospective, descriptive d’EFFISAYIL 2 (phase IIb, randomisé, double-aveugle, 48 semaines, 60 centres/20 pays) incluant des patients atteints de psoriasis pustuleux généralisé (PPG) GPP avec ≥2 poussées au cours de l’année précédente. Le schéma analysé était : spesolimab 600 mg sous-cutané (SC) (dose de charge) puis 300 mg SC toutes les 4 semaines versus placebo. Le but de cette étude était d'évaluer la proportion de patients présentant une amélioration durable des symptômes cutanés (score GPPGA 0 ou 1= clear ou almost clear) et du retentissement sur la qualité de vie (score DLQI 0-1/30) à toutes les visites jusqu'à la semaine 48. La semaine 8 a été choisie comme première visite après le début de l'étude (au lieu de la semaine 4), car l'érythème et la desquamation mettent généralement plus de temps à disparaître que la pustulation.
Les résultats de cette analyse montrent qu’à S48 : 63,3% sous spesolimab (vs 29,0% sous placebo) ont conservé un score GPPGA 0/1, 24,1% vs 3,2% ont conservé un DLQI 0/1; et pour le score combiné (GPPGA 0/1 + DLQI 0/1): 20,0% vs 3,2%. Ils montrent également un effet précoce sur la pustulation dès S4 (score de pustulation=0: 63,6% sous spesolimab vs 25,8% sous placebo). Les limites de cette analyse sont qu’il s’agit d’une analyse post hoc descriptive, non hiérarchisé; le score GPPGA n’intègre pas la surface corporelle; le DLQI est un critère subjectif (variabilité/perception) et le DLQI moyen global était légèrement déséquilibré à l’inclusion entre les 2 groupes (plus élevé dans le bras spesolimab (11,1/30) que placebo (7,2/30).
En conclusion, le schéma spesolimab SC 600 mg puis 300 mg/4 semaine permet un maintien de la rémission clinique dans le PPG et améliore durablement la qualité de vie des patients sur 48 semaines par rapport au placebo, soutenant son usage d’entretien dans le PPG.
Gordon KB, Augustin M, Barker J, Tada Y, Lebwohl MG, Tang M, Hofmann P, Thoma C, Gottlieb AB. Effect of spesolimab on sustained disease control in patients with generalized pustular psoriasis: Post hoc analysis of the EFFISAYIL 2 study. J Am Acad Dermatol. 2025 Jun;92(6):1235-1242. doi: 10.1016/j.jaad.2025.01.089. Epub 2025 Mar 7. PMID: 40057892.
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.01.017
Le pityriasis rubra pilaire (PRP) est une maladie dermatologique difficile à traiter qui partage des caractéristiques immunologiques et clinico-pathologiques avec le psoriasis. Il s’agit d’une étude monocentrique, rétrospective. 76 patients (80,3% d’hommes; 30,3% d’érythrodermie) ont été inclus avec un diagnostic de PRP modéré à sévère tous en échec des dermocorticoïdes ou certains de photothérapie (9,2%) et ayant reçu soit un traitement par méthotrexate (MTX), rétinoïdes (RET), anti-TNF-α, anti-IL17 ou anti-IL23 entre 2000 et 2024 à la Mayo Clinic, au Minnesota. Le critère de jugement principal était la réponse au traitement (partielle et complète). La réponse au traitement était classée en 3 catégories : réponse complète (RC) (amélioration de 90 %, sans rechute), réponse partielle (RP) (amélioration d’au moins 50 % (mais<90%) et/ou rechute) et absence de réponse (amélioration inférieure à 50 %). Les biothérapies prescrites étaient : adalimumab, infliximab, association adalimumab+infliximab pour les anti-TNF-α, secukinumab, ixékizumab, secukinumab+ixékizumab et bimékizumab pour les anti-IL17 et guselkumab, ustékinumab, risankizumab, ustékinumab+guselkumab pour les anti-IL23.
Les résultats de cette étude montrent, pour un traitement de 1ère ligne, un taux de réponse de 34,4% (11/32 dont 4 RC) pour les RET et 35% (7/20 dont 3 RC) pour le MTX, 20% pour les anti-TNF-α (1/5 en RC), 75% pour les anti-IL23 (3/4 dont 2 RC) et 66,7% pour les anti-IL17 (10/15 dont 4 en RC). Ce dernier était significativement supérieur aux rétinoïdes (p=0,038). Au global, le taux de réponse était de 37,2% pour les RET, de 45,2% pour le MTX, de 45,0% pour les anti-TNF-α, de 60,2% pour les anti-IL17, de 66,7% pour les anti-IL23; il y avait des différences significatives versus rétinoïdes pour les anti-IL-17 (p=0,043) et les anti-IL23 (p=0,048), malgré un emploi plus tardif dans les séquences. Le délai médian jusqu’à la meilleure réponse soutenue était : 5,5 mois pour les RET, 6 mois pour le MTX, 4 mois pour les anti-TNF-α, 3,5 mois pour les anti-IL17, 5 mois pour les anti-IL23. Les limites de cette étude sont le caractère rétrospectif, monocentrique, les mesures principalement subjectives (absence d’échelles standardisées systématiques), les séquences thérapeutiques hétérogènes et les petits effectifs, exposant à des biais de sélection et de temporalité. En conclusion, dans la PRP modérée à sévère, les anti-IL17 et anti-IL23 montrent, en vraie vie, de meilleurs taux de réponse et un délai d’action plus court que rétinoïdes/MTX, avec une tolérance favorable, soutenant leur utilisation en cas d’échec des classiques.
Tran TS, Nguyen TM, Lehman JS, Wetter DA, Nguyen GH. Treatment of pityriasis rubra pilaris with systemic and biological agents: A single-center retrospective cohort of 76 patients. J Am Acad Dermatol. 2025 Jun;92(6):1362-1365. doi: 10.1016/j.jaad.2025.01.017. Epub 2025 Jan 15. PMID: 39824355.
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.02.012
La dermatite granulomateuse réactionnelle (DGR) est un terme unificateur récemment proposé pour désigner un groupe d'affections cutanées inflammatoires hétérogènes incluant la dermatite interstitielle granulomateuse (DIG), la dermatite granulomateuse palissadique et neutrophilique (DGPN) et la réaction médicamenteuse granulomateuse interstitielle (IGDR). Il existe peu d'études de cohorte à grande échelle caractérisant cette entité rare, qui a été associée à de nombreuses maladies auto-immunes, tumeurs malignes et médicaments. Le but de cette étude est de décrire le spectre des manifestations cliniques et histopathologiques, les comorbidités associées et les résultats des traitements dans une cohorte de patients atteints de DGR.
Il s’agit d’une cohorte rétrospective (2000–2022) issue du registre Mass General Brigham en recherchant « IGD » dans les comptes rendus anatomopathologiques; 227 dossiers ont été dépistés, 65 analysés cliniquement; le suivi médian était de 20 mois. Les caractéristiques cliniques montrent un âge médian de 60 ans; 71% de femmes; 91% de patients blancs. Les lésions touchent surtout les membres supérieurs (60%) et inférieurs (43%), sous forme de plaques/tâches érythémato-violacées (49%); le « rope sign » reste rare (5%). La plupart des lésions sont asymptomatiques (45%) : prurit dans 26% des cas. Sur le plan histologique, on retrouve surtout un infiltrat lymphohistiocytaire dans 77% des cas, 26% éosinophilique, 14% neutrophilique; une architecture palissadique dans 23% des cas; des dépôts de mucine dans 39% des cas. Le diagnostic final se répartit en 59% de granulome annulaire interstitiel, 32% de DIG, 8% de DGPN, 2% d’IGDR. Les comorbidités souvent retrouvées sont une maladie auto-immune/inflammatoire chez 12% dans l’année suivant la DGR (6% dans le mois) ; les plus fréquentes étaient l’hypothyroïdie (3%) et une connectivite indifférenciée (3%); la prévalence totale auto-immune/inflammatoire atteint 74%. Les arthrites inflammatoires (9%) et les lupus (3%) précèdent la DGR d’une médiane de 4 ans. Des cancers ont été diagnostiqués chez 9% dans l’année (8% dans le mois); prévalence globale 34 et, surtout hématologiques. Concernant les traitements, les dermocorticoïdes (80%) et l’hydroxychloroquine (19%) sont le plus souvent prescrits. Parmi les patients traités (80% de la cohorte), 48% s’améliorent et 14% ne s’améliorent pas; au global, 39% présentent une amélioration avec un traitement, et 15% résolvent spontanément avec une médiane de 12 mois. Les limites de l’étude sont qu’il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique, avec une hétérogénéité diagnostique et thérapeutique qui limitent l’interprétation. En conclusion, la DGR s’accompagne souvent de comorbidités auto-immunes (74%) et de cancers (34%): un bilan orienté est pertinent. Dermocorticoïdes et hydroxychloroquine sont les options thérapeutiques courantes; une surveillance peut se discuter car 15% ont présenté une rémission complète spontanée.
Venkatesh T, Fedeles F. Reactive granulomatous dermatitis: A retrospective cohort study of 65 patients. J Am Acad Dermatol. 2025 Jun;92(6):1410-1412. doi: 10.1016/j.jaad.2025.02.012. Epub 2025 Feb 11. PMID: 39947484.
DOI: 10.1093/bjd/ljaf036
La maladie de Grover, également connue sous le nom de dyskératose acantholytique transitoire, est une affection rare caractérisée par des papules ou des papulovésicules très prurigineuses sur le haut du tronc et les extrémités proximales, qui touche le plus souvent les patients blancs âgés de plus de 50 ans, souvent tenace, sans standard thérapeutique; des observations suggèrent une implication Th2. Cette étude rétrospective monocentrique (Mount Sinai Hospital, New york, 01/2021–06/2024) évalue 10 patients traités par dupilumab (600mg SC dose de charge, puis 300mg/2 semaines SC) pour une maladie de grover résistant aux traitements classiques (topiques corticoides, vitamine A, rétinoïdes, corticostéroïdes oraux, antihistaminiques et photothérapie). Le suivi moyen était de 12,1 semaines. Le critère de jugement principal était la variation de la surface corporelle atteinte (SCA); les variations de prurit lorsque documenté. Les résultats montrent une SCA moyenne qui diminue de 23,5% à 2,7% au dernier contrôle (p<0,001). Chez les patients atopiques, elle passe de 21,43% à 0% (p=0,002); chez les non-atopiques, de 28,33% à 9% (NS, p=0,176). Sept sur dix atteignent une SCA de 0%, en ≈10,1 semaines. Le prurit disparaît chez 60% et s’améliore chez 20% des patients. Sur le plan de la tolérance, aucun événement indésirable sérieux n’a été décrit; une conjonctivite transitoire. Deux patients étaient déjà sous biothérapie pour un psoriasis (sécukinumab, guselkumab); l’ajout de dupilumab améliore la maladie de Grover, renforçant l’hypothèse Th2. Les limites de l’étude sont qu’il s’agit d’une petite cohorte, l’étude est rétrospective, monocentrique, non contrôlée, suivi court, estimation de la SCA parfois à partir du dossier/photo, effectifs réduits en sous-groupes (atopie). En conclusion, chez des formes réfractaires de maladie de Grover, le dupilumab est une bonne alternative efficace et bien tolérée, avec des réponses rapides et complètes surtout chez l’atopique et cela renforce l’hypothèse physiopathologique Th2 dans la maladie de Grover.
Amara S, Hawkins K, Skaggs E, Kodali N, George E, Lau M, Largen J, Navrazhina K, Lebwohl M, Guttman-Yassky E. Efficacy of dupilumab for treatment-resistant Grover disease: a retrospective study. Br J Dermatol. 2025 Apr 28;192(5):941-943. doi: 10.1093/bjd/ljaf036. PMID: 39870579.
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.1578
Des cas de psoriasis apparaissent chez des patients traités par dupilumab pour dermatite atopique (DA); la question de cette étude est d’estimer le risque relatif versus d’autres systémiques. Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective, base TriNetX (données mondiales) incluant des adultes avec une DA recevant soit du dupilumab, soit d’autres systémiques (corticoïdes oraux, MTX, ciclosporine, azathioprine, mycophénolate). Les patients ont été appariés 1:1 sur un score de propension (âge, sexe, race, comorbidités, biologie, traitements antérieurs). Le critère de jugement principal était l’apparition d’un psoriasis sur 3 ans, suivi à partir de 1 mois post-index. Après exclusions et appariement, 9860 patients par cohorte ont été inclus (19 720 au total), âge moyen 44,8 ans; ≈55% de femmes; répartition raciale comparable.
Les résultats de l’étude montrent une incidence cumulée de psoriasis à 3 ans: 2,86% sous dupilumab vs 1,79% sous autres systémiques (log-rank p<0,001), hazard ratio (HR) 1,58 (IC95% 1,25–1,99) ; concernant l’arthrite psoriasique: tendance non significative (HR 1,97; IC95% 0,75–5,18). Des analyses en sous-groupes ont été réalisées : signal globalement concordant (≥60 ans HR 1,77; femmes HR 1,63; hommes HR 1,55; Blancs HR 1,43; avec comorbidités atopiques HR 1,56; sans comorbidités atopiques HR 1,42). Une analyse de sensibilité a été réalisée: 6 modèles confirment l’excès de risque versus autres systémiques; versus JAKi, HR >1 mais non significatif (effectif limité). Le risque relatif de psoriasis augmente donc sous dupilumab par rapport à d’autres systémiques chez l’adulte avec DA, mais le risque absolu reste faible (≈1 cas supplémentaire pour 94 traités sur 3 ans). Le profil de sous-groupes (âge, phénotype « non atopique ») cadre avec une bascule immunitaire Th2→Th17 chez certains patients. Les limites de l’étude étaient la conception observationnelle, exposition non modélisée en durée/posologie/adhérence, risque de misclassification; toutefois, le design, l’appariement riche et les sensibilités/validations renforcent la robustesse. En conclusion, chez l’adulte avec DA, le dupilumab augmente modérément le risque de psoriasis versus autres systémiques; ce signal, absolument faible, se discute face aux bénéfices établis du traitement et justifie une vigilance clinique (éruptions psoriasiformes, symptômes articulaires).
Lin TL, Fan YH, Fan KS, Juan CK, Chen YJ, Wu CY. Psoriasis Risk in Patients With Atopic Dermatitis Treated With Dupilumab. JAMA Dermatol. 2025 Aug 1;161(8):813-821. doi: 10.1001/jamadermatol.2025.1578. Erratum in: JAMA Dermatol. 2025 Aug 01;161(8):890. doi: 10.1001/jamadermatol.2025.2930. PMID: 40531497; PMCID: PMC12177727.
DOI: 10.1093/bjd/ljae484
Les déséquilibres hormonaux affectent la peau, mais leurs liens avec les troubles menstruels restent peu explorés. Cette étude internationale vise à évaluer la prévalence des dermatoses courantes et des modifications cutanées auto-perçues chez les femmes, en fonction de la régularité de leurs cycles menstruels. Entre janvier et février 2023, 17 009 femmes de 18 à 55 ans issues de 20 pays sont recrutées par échantillonnage stratifié, avec données recueillie via un questionnaire en ligne. Les femmes périménopausées, ménopausées et en post-partum sont exclues.
Les pathologies diagnostiquées par un médecin sont significativement plus fréquentes chez les femmes à cycles irréguliers (P < 0,001 pour toutes) : Acné : 24,9% vs 19,2% ; Rosacée : 13,4% vs 7,1% ; Dermatite séborrhéique : 13,5% vs 8,3% ; Mélasma : 10,3% vs 5,2%/
Les modifications cutanées auto-perçues sont également plus importantes avec des cycles irréguliers, avec entre autres (P < 0,001 pour toutes) : Taches pigmentées : 48,7% vs 38,5% ; Peau perçue comme « sensible » : 57,6% vs 47,1% ; Brillance excessive : 48,5% vs 37,7% ; Pâleur anormale : 41,4% vs 29,1%. Les androgènes (DHT principalement) stimulant la production de sébum via la dihydrotestostérone (DHT) et l’influence sur la mélanogenèse et sur la vascularisation dermique, expliquant l'augmentation du mélasma. Pour la rosacée, la diminution œstrogénique pourrait jouer un rôle, bien que le mécanisme précis reste à élucider.
L'absence de données sur le syndrome des ovaires polykystiques constitue une limite importante. Néanmoins, ces résultats encouragent à réaliser des études prospectives avec critères des critères de jugement objectifs en se basant sur ces résultats préliminaires.
Zouboulis CC, Deloche C, Skayem C, et al. A global study of 17 009 women reveals significant skin condition changes associated with irregular menstrual cycles. Br J Dermatol. 2025;192(5):935-937. doi:10.1093/bjd/ljae484
[Résumé par Elissa Annabi, première autrice de l’article]
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.0886
Le xanthogranulome multiple de l’adulte (XGMA) est une histiocytose rare. Les auteurs en ont décrit les caractéristiques cliniques, histologiques, moléculaires et thérapeutiques dans la plus grande série rétrospective actuelle de la littérature. Vingt-neuf patients étaient inclus, entre 2003 et 2023. Les cas de XGMA, définis cliniquement par 5 lésions ou plus jaunâtres, brunes ou érythémateuses, papuleuses ou nodulaires et histologiquement par un infiltrat histiocytaire CD163+, CD68+, CD1a- étaient inclus.
Les lésions cutanées étaient soit papuleuses monomorphes diffuses brunes ou érythémateuses pour 18 (62 %) patients, soit nodulaires jaunâtres ou érythémateuses pour 11 (38 %) patients. Des lésions xanthelasma-like étaient présentes chez 10 (34 %) patients. Une atteinte extra-cutanée, complétant le tableau clinique en faveur d’une maladie d’Erdheim-Chester (MEC), a été observée chez 8 (29 %) patients, au diagnostic chez 4 (50 %) d’entre eux et était significativement associée aux lésions nodulaires (OR 8,72 ; IC 95 % (1,12 ; 115,54) ; p = 0,028). L’analyse moléculaire a retrouvé une anomalie de la voie Mitogen-Activated protein kinases (MAPK) chez 17 (59 %) patients, indépendamment de la présence d’une atteinte systémique. En immunohistochimie, les histiocytes étaient positifs pour cycline-D1 et phospho-ERK chez 23 (79 %) et 24 (83 %) patients, en faveur de l’activation de la voie MAPK. Les données thérapeutiques ont montré des résultats encourageants pour le méthotrexate et dans une moindre mesure pour l’azathioprine et l’interféron alpha-2a pégylé. En cas de résistance à une première ligne de traitement, une thérapie ciblée anti-MEK pouvait être efficace.
Ces données suggèrent un spectre continu entre le XGMA et la MEC, en lien avec une activation de la voie MAPK. Les auteurs recommandent donc que les patients avec XGMA soient explorés moléculairement et suivis afin de ne pas méconnaître une atteinte viscérale et une évolution vers une MEC, particulièrement en cas d’atteinte cutanée nodulaire. Cette étude permet de discuter la classification des histiocytoses et apporte des nouvelles pistes thérapeutiques.
Annabi E, Mahévas T, Chasset F, et al. Clinical, Histopathologic, and Molecular Features and Treatment of Multiple Xanthogranuloma in Adults. JAMA Dermatol. 2025;161(7):765-768. doi:10.1001/jamadermatol.2025.0886
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.2357
Plus de 10 essais sur le renforcement de la barrière cutanée montrent des résultats contradictoires, principalement dans des populations à haut risque. Aucune étude n'a évalué les émollients corps entier pour la prévention primaire dans une population non sélectionnée pour le risque.
Cet essai décentralisé randomisé 1247 duos parent-enfant vise à déterminer si l'application quotidienne d'émollients corps entier dès les 9 premières semaines réduit l'incidence cumulée de DA à 24 mois dans une population communautaire non sélectionnée.
Interventions :
- Groupe émollients (n=603) : émollient corps entier quotidien (5 options émollientes douces sans irritants/allergènes courants, envoyées tous les 6 mois) débutant avant 9 semaines pendant 24 mois. Cuir chevelu/zone couche facultativement exclus.
- Groupe contrôle (n=625) : éviter émollients réguliers (usage intermittent autorisé si nécessaire).
Tous reçoivent des recommandations générales : bain 2×/semaine avec nettoyant doux. Le critère de jugement principal est le diagnostic de DA à 24 mois, par des investigateurs formés en aveugle. Enquêtes trimestrielles électroniques pour signaler événements indésirables et diagnostics DA. Les exclusions comprennent la DA préexistante, l’extrême prématurité (<25 semaines), l’immunodéficience. Les duos sont randomisés en 1:1 stratifiée par clinique et antécédents familiaux atopiques (blocs de 4).
À 24 mois, l'incidence cumulée de DA est 36,1% (émollients) versus 43,0% (contrôles), RR=0,84 (IC95% 0,73-0,97 ; P=0,019). L'effet protecteur est maximal chez les enfants sans antécédents familiaux atopiques et possédant un chien.
Malgré l’absence d’information sur l’effet à long terme, le type d’émollient, la génétique et sur les sensibilisations des nourrissons, cette étude semble montrer que les émollients réduisent le risque de DA chez certains enfants. Des études économiques ainsi que visant à cibler les enfants susceptibles de bénéficier d’une application précoce d’émollients seraient intéressantes. En effet, pour réduire le risque de dermatite atopique d’environ 16 %, une telle stratégie reviendrait à recommander l’application quotidienne d’émollients dès deux mois de vie à près des deux tiers des nourrissons ne présentant pas de dermatite atopique.
Simpson EL, Michaels LC, Ramsey K, et al. Emollients to Prevent Pediatric Eczema: A Randomized Clinical Trial. JAMA Dermatol. Published online July 23, 2025. doi:10.1001/jamadermatol.2025.2357
MEDECINE INTERNE
DOI: 10.1016/j.jid.2025.04.017
Le pyoderma gangrenosum (PG) est une dermatose neutrophilique rare et douloureuse, dont le traitement repose encore sur des données limitées et hétérogènes. Si les anti-TNFa comme l’infliximab ou l’adalimumab ont longtemps constitué la principale option biologique, les inhibiteurs d’interleukines, notamment l’ustekinumab (anti-IL-12/23), ont montré des réponses prometteuses dans des séries récentes, sans comparaison directe entre ces classes. Cette étude rétrospective monocentrique menée à Monash Health (Melbourne, Australie) compare pour la première fois l’efficacité et la tolérance de ces deux approches biologiques dans le PG réfractaire.
Les auteurs identifient 37 patients traités entre 2011 et 2024 : 18 reçoivent un anti-TNFa (10 infliximab, 8 adalimumab) et 19 l’ustekinumab. Le diagnostic de PG est confirmé cliniquement et histologiquement, avec application du score PARACELSUS > 10 pour exclure les diagnostics différentiels. Les groupes sont comparables en âge (moyenne ≈ 59 ans), sexe (majorité féminine), durée de maladie (~90 mois) et taille moyenne des ulcères (~50 cm²), traduisant une cohorte particulièrement chronique et réfractaire. L’efficacité est évaluée de manière pragmatique par la capacité à réduire la prednisone à moins de 5 mg/j, seuil choisi pour refléter une dose physiologique sans risque systémique majeur.
Au total, 12 des 37 patients (40,5 %) atteignent cet objectif : 9/19 (47,4 %) sous ustekinumab contre 3/18 (16,7 %) sous anti-TNFa, différence statistiquement significative (χ² = 3,98 ; p = 0,046 ; φ = 0,33). Les réponses cliniques complètes (cicatrisation complète) et partielles (amélioration de la douleur ou de la taille des ulcères) sont également plus fréquentes sous ustekinumab, bien que la différence ne soit pas significative : réponse complète dans 31,6 % versus 11,1 % et réponse partielle dans 47,4 % versus 38,9 %. Les infections sont les seuls effets indésirables recensés : elles surviennent à un taux de 6 pour 100 patient-années avec ustekinumab contre 29 pour 100 patient-années sous anti-TNFa, sans différence statistique, mais avec une tendance favorable à l’ustekinumab. Aucun effet indésirable grave lié directement au médicament n’est rapporté.
Ces résultats contrastent avec les revues antérieures, qui rapportaient des taux de réponse proches pour les deux classes, ce qui suggère ici un bénéfice potentiel de l’ustekinumab, possiblement lié à son action sur les voies IL-23 et IL-12, impliquées dans la physiopathologie neutrophilique du PG. Les auteurs insistent sur la pertinence d’utiliser la réduction de la corticothérapie comme critère d’efficacité clinique, car la guérison complète des ulcères ne traduit pas toujours une amélioration fonctionnelle et objective. L’étude comporte toutefois plusieurs limites : effectif restreint, biais de sélection inhérents à un design rétrospectif, dépendance à la qualité du dossier médical, et durée d’exposition inégale (les patients anti-TNFa ont souvent arrêté plus tôt pour inefficacité).
Yang HJ, Spratt W, Lai FYX, Lee S. Pyoderma Gangrenosum: A Retrospective Study Comparing TNF-α Inhibitors with Ustekinumab. J Invest Dermatol. 2025;145(11):2906-2908.e2. doi:10.1016/j.jid.2025.04.017
L’activité biologique de l’interféron-α est associée au risque de poussée dans le lupus érythémateux cutané
DOI: 10.1016/j.jaad.2024.12.041
Le lupus érythémateux cutané (LEC) manque de biomarqueurs fiables. Contrairement au lupus systémique où les anti-ADN natif et le complément sont utilisés comme marqueurs biologiques, aucun biomarqueur pour évaluer l’activité et prédire la rechute n’existe pour le LEC. La dysrégulation de l’interféron de type I joue un rôle central dans la pathogénie du lupus, mais les techniques de mesure disponibles, telles que le score génique IFN ou le dosage par SIMOA, restent peu accessibles. Le bioessai IFN-α, qui mesure l’activité biologique sérique, pourrait constituer une alternative plus disponible en pratique clinique.
Cette étude de cohorte monocentrique parisienne inclut 184 patients consécutifs atteints de LEC, dont 53% présentent un LES associé. Résultat IFN-α ≥2 UI/mL est considéré comme positif. Le CLASI-A ≥10 défini un LEC sévère.
À l’inclusion, 38% des patients présentent une activité IFN-α positive, avec une médiane de 3 UI/mL, significativement associée à un LEC actif (OR=3,11 [IC95% : 1,61-6,01], p=0,006), à une atteinte modérée à sévère (OR=4,43 [IC95% : 1,99-9,86], p=0,001) ainsi qu’à la présence d’un lupus systémique (OR=2,17 [IC95% : 1,19-4,00], p=0,01). Le seuil de 3 UI/mL présente une sensibilité de 61% et une spécificité de 83% pour détecter un score CLASI-A ≥10. En analyse multivariée, l’IFN-α reste le seul paramètre biologique associé aux formes modérées à sévères de LEC (OR unitaire=1,16 [IC95% : 1,02-1,33], p=0,005), contrairement aux anti-ADN natif et au complément, qui ne montrent aucune association significative. Dans une analyse longitudinale de 102 patients, l’activité IFN-α diminue significativement chez les patients en amélioration (p<0,001) et corrèle avec les variations du CLASI-A (rs=0,31, p=0,0015), contrairement aux biomarqueurs classiques. Chez 65 patients en rémission suivis au moins 6 mois, 11 rechutes sont observées. Une activité IFN-α positive augmente significativement le risque de rechute à 6 mois (HR=4,95 [IC95% : 1,12-21,78], p=0,03), même après ajustement pour le statut lupique LEC +/- LES (HR=3,48 [IC95% : 1,06-11,47], p=0,04). Les anti-ADN natif (HR=2,53, p=0,17) et l’hypocomplémentémie (HR=0,58, p=0,41) ne prédisent pas les rechutes.
Les principales limites de l’étude incluent son caractère rétrospectif monocentrique, l’absence de validation externe et le faible nombre de rechutes limitant les ajustements statistiques. De plus, la plupart des mesures ont été réalisées après le diagnostic chez des patients déjà traités. Il serait intéressant d’évaluer l’IFN-α dès le diagnostic afin de prédire une progression vers un lupus systémique. Enfin, la disponibilité du bioessai reste limitée et nécessite des études comparatives avec d’autres techniques telles que la signature IFN ou l’ELISA digital.
Murat de Montai Q, Masseran C, Perray L, et al. Interferon-α biological activity is associated with disease activity and risk of flare in cutaneous lupus erythematosus: A monocentric study of 184 patients. J Am Acad Dermatol. 2025;92(5):1039-1048. doi:10.1016/j.jaad.2024.12.041
Les patients atteints de LES avec antécédents de lupus cutanés ont un score interféron plus élevé
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.1697
Les interférons (IFN) jouent un rôle central dans le lupus érythémateux systémique (LES) et le lupus cutané (LC). Cette étude compare l’expression des gènes stimulés par l’interféron (ISG) dans la peau non lésionnelle et les cellules sanguines (PBMC) de patients lupiques avec ou sans antécédent de LC. 101 participants ont été inclus : 7 LC sans LES, 29 LES avec LC, 10 LES sans LC et 55 témoins sains. Des biopsies cutanées non lésionnelles et des échantillons sanguins ont été analysés par séquençage RNA-bulk. Le score IFN a été calculé à partir de 138 ISG normalisés.
Les patients LES avec LC présentaient les scores IFN les plus élevés dans le sang (188 ± 184, p<0,001) et la peau (119 ± 136, p<0,001) comparés aux témoins. Les patients LES sans LC avaient des scores plus faibles et non significatifs. Une forte corrélation a été observée entre les scores IFN cutanés et sanguins (r=0,83, p<0,001), ainsi qu’avec l’activité systémique (SLEDAI), mais pas avec l’activité cutanée (CLASI).
Les scores IFN élevés n’étaient pas liés à un sous-type spécifique de LC et les voies enrichies étaient majoritairement antivirales. Les résultats indiquent que la peau non lésionnelle est un site immuno-actif chez les patients avec antécédent de LC, reflétant une activation interféron systémique. Les patients LES avec et sans LC semblent appartenir à deux endotypes distincts, avec dérégulation interféron plus marquée en cas d’atteinte cutanée. Cela pourrait expliquer la meilleure réponse aux traitements anti-IFN chez ces patients.
Les principales limites sont l’effectif restreint (notamment les LC isolés), le caractère transversal de l’étude, la faible activité CLASI et le prélèvement sur zones non photo-exposées. Malgré cela, ces données soutiennent l’existence d’endotypes lupiques différenciés par la signature interféron, justifiant une approche thérapeutique personnalisée.
Henning S, Tsoi LC, Klein B, et al. Nonlesional Skin and Blood Interferon Scores Among Patients With a History of Cutaneous Lupus. JAMA Dermatol. 2025;161(8):822-827. doi:10.1001/jamadermatol.2025.1697
DOI: 10.1016/j.jaad.2025.02.066
Certains patients avec lupus érythémateux cutané (LEC) évoluent vers un lupus systémique (LS), ce qui justifie une surveillance régulière des patients. Il est classique que les dermatologues débutent par des traitements topiques avant l'hydroxychloroquine (HCQ).
Cette étude évalue l'impact d'une initiation précoce d'HCQ sur le risque de progression du LEC vers le LES. Il s’agit d’une étude longitudinale portant sur 286 patients consécutifs présentant un LEC isolé (219 LDE, 45 LCE subaigu), traités soit par HCQ (n = 186), soit uniquement par corticoïdes topiques et/ou inhibiteurs de la calcineurine (n = 100). La progression vers un LES est définie selon les critères 2019 de l’EULAR. Le traitement par HCQ est maintenu au minimum 6 mois, avec arrêt possible après rémission prolongée ou en cas d'effets indésirables (notamment toxicité rétinienne). Un traitement topique adjuvant est autorisé.
La progression vers un LES survient chez 4,8% des patients du groupe HCQ contre 27% du groupe topiques seuls (P < 0,001). L'initiation précoce d'HCQ s'associe à une réduction de 87% du risque de LES dans le temps (HR: 0,13 ; IC 95% : 0,06-0,27 ; P < 0,001). Cet effet protecteur s'observe de façon constante, indépendamment de la sévérité du LCE et du statut des anticorps antinucléaires à l'inclusion (positifs ou négatifs). De plus, les formes sévères de LES avec atteinte d'organes sont significativement moins fréquentes dans le groupe HCQ (RR: 0,16 ; IC 95% : 0,19-0,86 ; P = 0,003).
Cette étude est limitée par l’absence de randomisation (même si un score de propension a été réalisé pour les analyses statistiques) et l’absence d’aveugle.
Néanmoins si ces données sont confirmées, elles pourraient modifier la pratique clinique en favorisant l'instauration systématique et précoce d'HCQ chez les patients atteints de LEC, plutôt que l'approche topique initiale actuellement répandue.
Bar D, Baum S, Segal Z, Barzilai A, Druyan A, Lidar M. Early initiation of hydroxychloroquine in cutaneous lupus erythematosus to prevent progression to systemic lupus erythematosus: A long-term follow-up study. J Am Acad Dermatol. 2025;93(1):55-63. doi:10.1016/j.jaad.2025.02.066
DOI: 10.1001/jamadermatol.2025.1115
La maladie de Crohn cutanée métastatique (MCD) est sous-étudiée et dépourvue de critères diagnostiques publiés; cela freine le codage, la recherche translationnelle et l’évaluation thérapeutique. Un groupe de 19 experts (USA, (dermatologie, dermato-pathologie, gastroentérologie) se sont réunis pour définir la MCD et ont participé à 5 tours (taux de réponse 79–100%), seuil de consensus à ≥70% d’accord. Le panel retient trois catégories de MCD : orale, génitale, et cutanée autre (rare). Les lésions génitales/autres doivent être discontinues du tube digestif (hors bouche). Infections et autres granulomatoses sont écartées. Les fistules périnéales communicantes avec l’intestin n’entrent pas dans la MCD.
Une MCD génitale/autre est définie par l’association d’un critère majeur + un critère mineur ou 2 majeurs ou 3 mineurs parmi les suivants :
- Critères majeurs : œdème/tuméfaction génitale; ulcérations “coup de couteau” génitales/inguinales/des plis; remaniements lymphœdémateux de la peau génitale.
- Critères mineurs : marisques périnéales, fissurations génitales, ulcères non cicatrisants (HSV négatif), biopsie cutanée suggestive de MCD, diagnostic de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).
Une MCD orale est définie par l’association d’une MICI luminale connue + 1 critère mineur parmi : ulcérations linéaires de la bouche, chéilite granulomateuse, pyostomatite végétante, tuméfaction sous-linguale, aphtes >1 cm.
L’histologie est non nécessaire au diagnostic mais définie comme “majeure” si présence de granulomes “nus” avec colorations infectieuses négatives (suffisant si pas d’alternative plus probable) et “mineure” si présence de granulomes non caséeux avec ulcération/lymphocytes/éosinophiles ou vascularite, granulomatose lâche avec infiltrat lymphoplasmocytaire, agrégats histiocytaires intravasculaires et granulomatose péri-vasculaire/péri-lymphatique. Certaines caractéristiques (trajets sinusaux cliniques ou à l’IRM) reçoivent un soutien majoritaire mais sans consensus; et pose un souci d’overdiagnostic avec l’hidradénite suppurée. Les critères peuvent être appliqués dans un contexte clinique fort même sans atteindre un nombre strict, selon le panel. Les limites de l’étude sont qu’il s’agit d’un panel US-seul, sans participation de patients, sans validation clinique prospective absente; pas de consensus sur l’IRM. En conclusion, ce consensus fournit des critères cliniques intéressants (avec appui histologique optionnel) pour définir la MCD génitale/orale/autre.
Ebriani J, Santiago-Soltero K, Anshelevich EE, Dalal RS, Shields B, Charrow A; Metastatic Cutaneous Crohn’s Disease Delphi Panel; Agrawal M, Alavi A, Burgin S, Cices A, Coromilas AJ, Cowen EW, Goldfarb N, Hsiao JL, McGee JS, Ortega-Loayza AG, Porter M, Rosenbach M, Shaw KS, Wanat KA, Watson AJ, Wong SY. Delphi Panel for the Development of Diagnostic Criteria for Metastatic Cutaneous Crohn Disease: A Consensus Statement. JAMA Dermatol. 2025 Jun 1;161(6):642-647. doi: 10.1001/jamadermatol.2025.1115. PMID: 40332924.
DERMATOLOGIE INFECTIEUSE
DOI: 10.1016/S1473-3099(25)00180-X
Depuis l’émergence du clade IIb de Monkeypox virus (Mpox), plus de 100 000 cas de Mpox ont été recensés hors d’Afrique. Le vaccin JYNNEOS est efficace pour prévenir l’infection, mais son effet sur la sévérité clinique reste encore à déterminer. Cette étude cas-témoins rétrospective s’appuie sur l’analyse des données de surveillance du Département de la Santé de Californie, inclut 4609 hommes cisgenres atteints de Mpox confirmé entre mai 2022 et décembre 2023. Les 1566 patients qui présentent des lésions localisées sont les “témoins” et les 3043 patients qui présentent des lésions disséminées sont les “cas”. Les vaccinations ont été vérifiées via ce registre californien d’immunisation. L’objectif de cette étude est d’évaluer l'efficacité de la vaccination sur la sévérité clinique du Mpox en comparant les antécédents de vaccination chez les cas et les témoins. Les analyses distinguent la vaccination pré-exposition (≥ 14 jours avant l’infection) et la vaccination post-exposition, avec une stratification selon le statut VIH et le taux de CD4 (> ou < à 350/µL.).
Concernant la vaccination pré-exposition on note une diminution du risque d’évolution vers une forme disséminée de 58,8% IC95 (50,3-65,9); avec une protection similaire après une ou deux doses de vaccin. La vaccination post-exposition diminue également le risque d’évolution vers une forme sévère, toutefois les résultats sont moins probants avec une diminution de 15,9% IC95 (3,3-26,8). Les patients VIH constituent un sous-groupe étudié dans l’étude, ces patients sont habituellement exposés à des formes plus sévères de Mpox. L’efficacité de la vaccination pré-exposition semble plus importante chez les patients non VIH avec une diminution du risque d’évolution vers une forme disséminée de 66,6% IC95, (56,8-74,2); contre 44,8% IC95, (27,5-58,0); chez les patients VIH. L’efficacité vaccinale n’est cependant significative qu’en cas de taux de CD4 > 350/µL. La vaccination pré-exposition est aussi efficace pour diminuer le risque de forme sévère de la maladie nécessitant une hospitalisation, avec une diminution de 85,4% IC95 (54,3-95,3) du risque d’hospitalisation. Cette étude comporte plusieurs limites notamment son caractère observationnel et rétrospective, la population étudiée est restreinte aux hommes cisgenres ce qui en limite grandement la généralisation, à savoir également que des données cliniques sont auto-rapportées et non validées cliniquement. Au total, la vaccination JYNNEOS atténue significativement la sévérité du Mpox, réduisant ainsi le risque d’évolution vers une forme disséminée et le risque d'hospitalisation. Ces résultats soutiennent la stratégie de vaccination pré-exposition, y compris chez les patients VIH avec cependant une efficacité qui reste à définir chez les patients avec un taux de CD4<350/µL.
Granskog L, Saadeh K, Lorenz K, Quint J, Salih T, Lo T, Jacobson K, Ramos M, Chapman E, Snyder RE, Lewnard JA, Effect of JYNNEOS vaccination on mpox clinical progression: a case–control study. Lancet Infect Dis. 2025 May 21. doi:10.1016/S1473-3099(25)00180-X
DOI: 10.1016/j.jaad.2023.08.086
La terbinafine orale est le traitement de référence de l’onychomycose, habituellement prescrite sur 6 à 12 semaines, mais son usage reste parfois limité par la crainte d’une hépatotoxicité médicamenteuse. Alors que plusieurs études suggèrent que ce risque est faible, les recommandations de surveillance biologique demeurent variables. Cette étude rétrospective, menée au sein du réseau intégré Kaiser Permanente Mid-Atlantic, évalue la fréquence réelle des anomalies biologiques sous terbinafine afin d’évaluer la nécessité d’un suivi systématique.
Entre 2003 et 2020, les auteurs recensent 13 399 traitements par terbinafine chez des patients sans antécédent hépatique ou hématologique. Les taux d’anomalies biologiques au bilan de départ et lors du suivi sont comparés selon les critères de toxicité du CTCAE v5. Parmi les patients testés, 0,2% à 0,36% présentaient une élévation de grade ≥2 des transaminases (ASAT, ALAT) ou des phosphatases alcalines, et 1,5% à 2,7% une cytopénie de grade ≥2 (neutropénie, lymphopénie ou anémie). Ces chiffres restent faibles et comparables entre les sous-groupes d’âge, y compris chez les sujets de plus de 65 ans ou les enfants. Sur l’ensemble des examens réalisés, 99,23 % des valeurs sont normales ou de grade 1. Parmi les patients présentant une anomalie hépatique, 8 cas remplissent les critères de toxicité médicamenteuse selon le Drug-Induced Liver Injury Expert Working Group : 7 formes légères et 1 forme modérée, aucune grave ou fatale. Les anomalies surviennent en moyenne entre 17 et 59 jours après le début du traitement, sans évolution vers une insuffisance hépatique ; la normalisation est obtenue spontanément ou après arrêt du médicament.
Ces résultats confirment que la toxicité médicamenteuse sévère liée à la terbinafine est exceptionnelle et se manifeste le plus souvent de manière symptomatique, rendant la surveillance biologique systématique peu utile pour la détecter ou la prévenir. Les auteurs rappellent que les élévations isolées et modérées des transaminases n’annoncent pas nécessairement une progression vers une hépatotoxicité sévère, en raison de la capacité adaptative du foie. Néanmoins, ils soulignent plusieurs limites : 56 % des traitements n’ont pas bénéficié d’un dosage de suivi, la nature rétrospective expose à un biais de sélection, et la cohorte n’inclut pas de patients avec maladie hépatique préexistante. Ces limites n’altèrent toutefois pas la conclusion principale : dans cette large population réelle, les anomalies biologiques significatives sous terbinafine sont rares, transitoires et le plus souvent cliniquement bénignes. L’étude renforce donc les données suggérant que, chez un patient sans comorbidité hépatique ni hématologique, la surveillance biologique systématique n’est pas nécessaire. Une évaluation clinique attentive, axée sur les symptômes (fatigue, nausées, prurit, ictère), reste suffisante pour dépister les rares cas de toxicité. En pratique dermatologique, ces résultats confortent la sécurité de la terbinafine en première intention et plaident pour une simplification du suivi, notamment dans les soins primaires où la réticence liée à la crainte d’hépatotoxicité conduit encore trop souvent à sous-traiter l’onychomycose.
Wenk KS, Wu X, Miller MJ. Infrequent laboratory abnormalities during terbinafine therapy for onychomycosis: A retrospective cohort analysis within an integrated health system. J Am Acad Dermatol. 2025;92(5):1080-1082. doi:10.1016/j.jaad.2023.08.086
DERMATOLOGIE PEDIATRIQUE
DOI: 10.1093/bjd/ljaf049
Sur une cohorte de 1 800 patients avec trouble de la différenciation épidermique (TDE), un séquençage de l'exome entier (validés par séquençage Sanger) identifie 3 familles non apparentées présentant des variants hétérozygotes SLURP1 touchant le même acide aminé (A22) du peptide signal : c.65C>T (p.A22V) et c.65C>A (p.A22D). Les variants récessifs perte de fonction de SLURP1 sont connus pour entraîner le Mal de Meleda (MDM), une forme rare et sévère de kératodermie palmo-plantaire (KPP), mais aucun variant dominant n’est décrit.
Des analyses fonctionnelles incluent : Western blot et immunofluorescence sur kératinocytes primaires, modélisation in silico du clivage du peptide signal, spectrométrie de masse LC-MS/MS, transcriptomique spatiale à haute résolution (Visium HD), et hybridation in situ (RNAscope) pour les cytokines.
Le variant p.A22V s'associe à une KPP isolée sévère, tandis que p.A22D provoque KPP plus érythrokératodermie symétrique progressive (EKSP) avec plaques érythémato-squameuses bien délimitées. Tous les patients développent une hyperhydrose, une gêne à la marche et un épaississement palmo-plantaire progressif dès 1-3 ans. Contrairement au MDM, aucune dystrophie unguéale, brachydactylie ni atteinte périorale n'est observée.
La modélisation in silico (SignalP 6.0) prédit un décalage du site de clivage du peptide signal de deux acides aminés en amont pour les deux variants, confirmé par LC-MS/MS. Cette modification ajoute deux résidus amino-terminaux à la protéine sécrétée (ED pour A22D, EV pour A22V). Cette modification du peptide signal de SLURP1 augmente son expression et sa sécrétion, et semble activer la voie NFκB ; en faveur d’une fonction modifiée anormale de la protéine, plutôt que d’une perte de fonction (comme dans le MDM).
Le RNA-scope (localisation épidermique de l’ARN de différente cytokines, non quantitatif), rapporte une augmentation de l'IL-36γ épidermique (niveaux comparables au psoriasis), mais pas de l’IL-17A, absente ici (contrairement au psoriasis), cependant la voie TH17 est incomplètement explorée par cette technique. La transcriptomique spatiale ne semble pas donner beaucoup d’information supplémentaire dans cette étude (activation de la voie NFκB par le TNFa, dont la spécificité n’est pas certaine).
Cette découverte élargit le spectre phénotypique des TDE liés à SLURP1 et souligne son rôle dans l'homéostasie et l'inflammation épidermiques.
PS : Pour information l’entité EKSP est discutée par certains auteurs, et l’article de Youssefian et (2018, The British journal of dermatology), retrouve des mutations dans des gènes liés aux ichtyoses, ABHD5 et PNPLA1, impliqués dans le métabolisme lipidique, se manifestant par une érythrokeratodermie, en concluant que que cela peut aussi être considéré comme un symptôme d’ichtyose plutôt que comme une entité nosologique à part entière
Jiang X, Mortlock RD, Lomakin IB, et al. Autosomal dominant SLURP1 variants cause palmoplantar keratoderma and progressive symmetric erythrokeratoderma. Br J Dermatol. 2025;192(5):896-906. doi:10.1093/bjd/ljaf049
DERMATOLOGIE INTERVENTIONNELLE
DOI: 10.1016/j.jaad.2024.11.078
Le traitement du mélanome de l'appareil unguéal (NUM) évolue progressivement de l’amputation vers des techniques plus conservatrices. Cette étude rétrospective (2008-2023) présente 69 cas traités par chirurgie de Mohs. Le NUM est défini comme tout mélanome impliquant la matrice ou le lit unguéal, les replis péri-unguéaux ou l'hyponychium. La technique consiste en une exérèse en bloc de l'appareil unguéal avec marges de ≥5 mm quand possible, après ablation des replis pour visualiser les limites matricielles. L'évaluation des marges est réalisée par sections congelées avec coloration MART-1. Une amputation est classée comme ablative (nécessaire pour la résection tumorale) ou reconstructive (facilitant la reconstruction sans être indispensable).
Soixante-neuf NUM ont été inclus, comprenant 51 mélanomes in situ (73,9%) et 18 mélanomes invasifs (26,1%) avec une épaisseur de Breslow moyenne de 1,07 mm (0,2-5,4 mm). Des marges saines sont obtenues avec préservation osseuse dans 92,75% des cas (64/69). Cinq patients (7,2%) nécessitent une amputation ablative pour une marge profonde positive. Une extension infra-clinique est détectée dans 55,1% des cas (38/69). La tumeur s’étend au-delà de l’appareil unguéal dans 47,8% des cas (33/69), exposant de larges zones osseuses. Un rehaussement de stade (« upstaging ») survient chez 8 patients (11,6%), principalement de Tis vers T1a (62,5%). Après un suivi moyen de 38,2 mois (médiane 19 mois), une seule récidive locale (1,4%) est observée à 15 mois. Trois patients développent des métastases sans récidive locale : un au niveau ganglionnaire régional, deux avec métastases en transit et ganglionnaires. Un patient atteint de NUM in situ décède de métastases en lien présumé avec d’autres mélanomes primitifs. Les techniques utilisées comprennent des lambeaux (58%), des greffes (29%) et la cicatrisation dirigée (13%). Parmi les 38 amputations totales, 5 sont ablatives (13,2%) et 33 reconstructives (86,8%), avec dans la majorité des cas une préservation articulaire (52,6%). Les amputations reconstructives sont justifiées par l’étendue des pertes osseuses (66,7%) ou la préférence du patient (33,3%).
En conclusion, la chirurgie de Mohs avec MART-1 apparaît ainsi comme une approche efficace pour traiter les NUM avec un taux de récidive locale très faible. L'extension infra-clinique est fréquente (55%). L'amputation est rarement nécessaire pour obtenir des marges saines (7%), mais souvent requise pour la reconstruction des défects étendus (48%). Les principales limites sont le caractère monocentrique de l’étude, l’absence de comparaison à la chirurgie classique et l’absence d’évaluation fonctionnelle des patients.
Valdes Morales KL, Frankel D, Trifoi MD, et al. Nail unit melanoma treated with Mohs micrographic surgery: Technique, local recurrence rate, and surgical outcomes. J Am Acad Dermatol. 2025;92(5):1072-1079. doi:10.1016/j.jaad.2024.11.078
REVUES DE LA LITTÉRATURE INTÉRESSANTES
Cutaneous T cell immunity. Nature Reviews Immunology. 2025. https://www-nature-com.docelec.univ-lyon1.fr/articles/s41590-025-02145-3
Psoriatic arthritis: A comprehensive review for the dermatologist part I: Epidemiology, comorbidities, pathogenesis, and diagnosis. Perez-Chada, Lourdes M., Elman, Scott, Villa-Ruiz, Camila, Armstrong, April W., Merola, Joseph F. Journal of the American Academy of Dermatology 2025; Pages 969–982.
Psoriatic arthritis: A comprehensive review for the dermatologist–Part II: Screening and management. Elman, Scott A., Perez-Chada, Lourdes M., Armstrong, April, Gottlieb, Alice B., Merola, Joseph F. Journal of the American Academy of Dermatology 2025; Pages 985–998.
Dermatologic fungal neglected tropical diseases—Part I. Epidemiology and clinical features. Curtis, Kaya L., Gold, Jeremy A.W., Ritter, Jana M., Rosen, Theodore, Lipner, Shari R. Journal of the American Academy of Dermatology 2025.
Dermatologic fungal neglected tropical diseases—Part II. Management and morbidity. Curtis, Kaya L., Gold, Jeremy A.W., Ritter, Jana M., Rosen, Theodore, Lipner, Shari R. Journal of the American Academy of Dermatology 2025.
Cutaneous granulomas: mechanisms, cellular interactions and therapeutic insights. Nakamizo, Satoshi, Kabashima, Kenji. British Journal of Dermatology 192(6), June 2025, Pages 974–982. https://doi-org.docelec.univ-lyon1.fr/10.1093/bjd/ljaf096
Cutaneous Diseases of Penoscrotal Skin—Part I: Benign and Neoplastic Lesions. Martinez, Michael J., Oh, Christina S., Young, Trevor, Meehan, Shane, Zampella, John G. Journal of the American Academy of Dermatology 2025; Pages 585–600.
Cutaneous Diseases of Penoscrotal Skin—Part II: Infectious and Inflammatory Dermatoses. Martinez, Michael J., Oh, Christina S., Young, Trevor, Meehan, Shane, Zampella, John G. Journal of the American Academy of Dermatology 2025; Pages 603–622.
Current therapeutic options for adult patients with urticarial vasculitis: A scoping review. Groleau, Anne-Sophie, Mereniuk, Alexandra, Makhzoum, Jean-Paul. Journal of the American Academy of Dermatology 2025; Pages 423–428.
In-transit melanoma metastases: Evaluation and management for the dermatologist. Kumar, Anagha Bangalore, Jakub, James W., Lester, Scott C., Markovic, Svetomir N., Baum, Christian L. Journal of the American Academy of Dermatology 2025; Pages 188–195.
RECOMMANDATIONS/CONSENSUS D'EXPERTS
European Guideline (EuroGuiDerm) on atopic eczema: Living update. Wollenberg, A., Kinberger, M., Arents, B., Aszodi, N., Barbarot, S., Bieber, T., Brough, H. A., Calzavara-Pinton, P., Christen-Zaech, S., Deleuran, M., Dittmann, M., Fosse, N., Gáspár, K., Gerbens, L. A. A., Gieler, U., Girolomoni, G., Gregoriou, S., Holland, S., Mortz, C. G., Nast, A., Nygaard, U., Rehbinder, E. M., Ring, J., Rossi, M., Serra-Baldrich, E., Simon, D., Szalai, Z. Z., Szepietowski, J. C., Torrelo, A., Werfel, T., Werner, R. N., Flohr, C. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology 2025. https://doi-org.docelec.univ-lyon1.fr/10.1111/jdv.20639
Management of folliculitis decalvans: The EADV task force on hair diseases position statement. Waśkiel-Burnat, Anna, Starace, Michela, Iorizzo, Matilde, Katoulis, Alexandros, Apalla, Zoe, Asfour, Leila, Freites-Martinez, Azael, Ioannides, Dimitrios, Seyed Jafari, Seyed Morteza, Kelati, Awatef, Pampaloni, Francesca, Piraccini, Bianca Maria, Rakowska, Adriana, Sechi, Andrea, Takwale, Anita, Therianou, Anastasia, Rudnicka, Lidia. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology 2025; PMID: 40230058, DOI: 10.1111/jdv.20687
Il s’agit d’une revue subjective de la littérature, qui se veut la plus exhaustive possible, avec de courts résumés écrits par des internes de Dermatologie Vénérologie, qui ne sont évidemment pas les spécialistes des sujets abordés et dont le contenu n’engage que le pôle rédaction et les membres de l’association ayant participé à sa rédaction. Nous vous engageons à lire les articles sélectionnés pour vous faire votre propre idée. Nous serions heureux d’avoir vos retours et critiques au mail suivant : lisa.maudet@fdvf.org
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Veille bibliographique coordonnée et rédigée par : Samy Belkaid (Lyon), Inès Chircop (Lyon), Nadia Ikhlef (Lyon), Lucas Klepfisch (Lyon), Aline Garcia (Lyon) et Emmanuel Ribereau-Gayon (Lyon)
