
Une revue de la littérature réalisée par la FDVF, recoupant les articles de Dermatologie des journaux scientifiques les plus pertinents, sortis les 3 derniers mois (plus de 800 articles examinés). Nous sélectionnons 20 sujets qui pourraient intéresser les jeunes (et moins jeunes) dermatologues avec pour objectif de présenter des thèmes variés et de tenter d’en proposer une lecture critique dans de courts résumés.
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ONCODERMATOLOGIE
Epidémiologie et survie des patients atteints de mélanomes survenant sur naevus congénitaux géants
Les nævus congénitaux géants (≥40 cm) sont rares (1/20 000 naissances) mais présentent un risque accru de mélanome (10-15 %). Cette étude rétrospective utilise la base SEER (une base de données états-unienne sur les statistiques de cancer) pour analyser 1666 cas de mélanomes issus de naevus congénitaux géants aux États-Unis entre 2000 et 2020. Le diagnostic de ces mélanomes est posé plus tôt que pour les autres mélanomes, avec un âge médian de 52 ans contre 66 ans. Les hommes sont plus touchés (57%), sauf entre 20 et 40 ans, où les femmes sont plus nombreuses. Les localisations les plus fréquentes sont le tronc (47,8 %), les membres supérieurs (22,6 %) et la tête et le cou (14,7 %). À l’inclusion, la majorité des tumeurs sont localisées (71 %), avec 7 % d’atteinte régionale et 1,4 % d’atteinte métastatique. La survie spécifique à 5 ans est de 94 %, similaire à celle des autres mélanomes. Les femmes présentent un meilleur pronostic que les hommes (survie spécifique 97 % vs. 92 % ; survie globale 94 % vs. 87 %). Chez les enfants (<10 ans), la maladie est plus agressive : 37 % présentent une atteinte régionale (OR = 4,3 ; p < 0,05) et 14,8 % des métastases (OR = 14,1 ; p < 0,001). La survie spécifique à 5 ans est de 76,5 %. Les enfants hispaniques sont surreprésentés (33,3 % des cas pédiatriques vs. 4,1 % chez les adultes, OR = 13,4 ; p < 0,001). Les limites de l’étude incluent des biais liés au codage et un risque de sous-déclaration ou de surdiagnostic. Elle concerne également une population états-unienne, ce qui rend les résultats difficilement extrapolables à d’autres bassins de population. Ugwu N, Hawryluk EB, Weiss J. Epidemiological patterns and survival outcomes in 1666 cases of malignant melanomas arising from giant pigmented nevi. J Am Acad Dermatol. 2024;91(4):727-729. doi:10.1016/j.jaad.2024.05.076
Pseudo-signe de Darier pour le diagnostic des léiomyomes cutanés
Les léiomyomes cutanés (LC) sont un marqueur de la léiomyomatose héréditaire et cancer du rein (HLRCC) – affection génétique causée par une mutation du gène FH (fumarate hydratase) – mais leur diagnostic est souvent tardif, retardant la prise en charge.
Les auteurs montrent que le pseudo-signe de Darier (PSD) ou signe de piloérection évoquée est un indicateur clinique fiable pour identifier les LC et améliorer le dépistage précoce du HLRCC. L’étude, menée auprès de 34 patients atteints de HLRCC (avec mutation pathogène du gène FH) montre que 100 % des patients présentaient un PSD. Ce dernier semble plus visible sur les lésions de petite taille et discrètes. Il est asymptomatique dans 62% des cas et douloureux dans 38%. Contrairement au signe de Darier, le PSD ne provoque ni prurit ni augmentation du diamètre lésionnel, mais rend les lésions plus visibles.
Le PSD semble être un signe pertinent pour le diagnostic des léiomyomes cutanés, même si des études sur des cohortes plus vastes vont être utiles pour confirmer son utilité diagnostique (sensibilité, spécificité, reproductibilité, etc.).
Moussa S, Ouchene L, Udupa M, et al. Evoked piloerection sign/pseudo-Darier sign: A clinical clue to the diagnosis of cutaneous leiomyomas. J Am Acad Dermatol. 2024;91(4):735-737. doi:10.1016/j.jaad.2024.05.082
Le rôle de la vitamine D dans le mélanome cutané est controversé, avec des études observationnelles suggérant une corrélation entre de faibles niveaux sériques et une évolution défavorable. L’étude belge ViDMe, un essai multicentrique randomisé, en double aveugle, a évalué si une supplémentation mensuelle en vitamine D à forte dose (100 000 UI) pouvait améliorer la survie des patients ayant un mélanome réséqué (stades AJCC IA à III). Au total, 436 patients ont été inclus (218 randomisés dans le groupe vitamine D et 218 dans le groupe placebo), avec un suivi médian de 52 mois. L’objectif principal était la survie sans récidive, et les critères secondaires incluent la mortalité liée au mélanome, la survie globale et les variations des taux sériques de vitamine D.
Après six mois, les taux sériques de 25-hydroxyvitamine D ont augmenté en médiane de 17 ng/mL dans le groupe vitamine D contre 0 ng/mL dans le groupe placebo (p < 0,001). Cependant, l’incidence des récidives à 72 mois était similaire entre les groupes : 26,51 % dans le groupe vitamine D contre 20,70 % dans le groupe placebo (HR = 1,27 ; IC 95 % : 0,79-2,03 ; p = 0,32). Après ajustement pour les facteurs confondants (stade initial, âge, IMC, saison de randomisation), le HR restait non significatif (1,20 ; p = 0,46). La mortalité liée au mélanome et la survie globale n’étaient pas modifiées par la supplémentation (HR = 0,87 ; p = 0,76).
L’étude confirme que la supplémentation à forte dose en vitamine D est bien tolérée mais n’améliore ni la survie ni la prévention des récidives du mélanome. Les limites incluent un possible effet plafond lié à une supplémentation minimale chez les patients carencés et l’absence de données sur un éventuel bénéfice à long terme. Ces résultats suggèrent que la correction d’une carence en vitamine D peut être bénéfique, mais qu’une supplémentation à haute dose ne modifie pas l’évolution du mélanome.
De Smedt J, Van Kelst S, Janssen L, et al. High-dose vitamin D supplementation does not improve outcome in a cutaneous melanoma population: results of a randomized double-blind placebo-controlled study (ViDMe trial). Br J Dermatol. 2024;191(6):886-896. doi:10.1093/bjd/ljae257
Les anticorps anti-PD-1 sont largement utilisés pour traiter le mélanome avancé ou métastatique, mais leur efficacité reste insuffisante chez certains patients, où les options thérapeutiques restent limitées. L'inhibiteur de l'activateur du plasminogène (PAI)-1 est une sérine protéase impliquée dans la progression tumorale et l’échappement immunitaire dans différentes tumeurs dont le mélanome. L’objectif de cette étude de phase II était d’évaluer l’ajout de TM5614, un inhibiteur du PAI-1, au nivolumab chez des patients atteints de mélanome métastatiques réfractaires aux anti-PD-1. Cet essai multicentrique, ouvert et non randomisé a inclus 39 patients traités dans 7 centres japonais entre septembre 2021 et mars 2023. Les patients ont reçu du nivolumab 480 mg IV toutes les 4 semaines pendant 8 semaines, associé à du TM5614 oral, initialement à 120 mg/j (semaines 0-4), puis à 180 mg/j (semaines 5-8). Le critère principal d’évaluation était le taux de réponse globale à 8 semaines.
Parmi les 34 patients réfractaires aux anti-PD-1, 27 étaient éligibles pour l’analyse principale. Le taux de réponse globale (réponse complète ou partielle) était de 25,9 % (IC 95 % : 12,9-44,9 ; p = 0,027), avec 1 réponse complète et 6 réponses partielles. Le taux de contrôle de la maladie atteignait 63 %. La médiane de survie sans progression était de 174 jours, et la médiane de survie globale de 273 jours. Concernant la tolérance, 26 patients (66,7 %) ont rapporté des effets indésirables, dont 3 cas de toxicité sévère imputés au TM5614 (insuffisance hépatique de grade 3). Aucun décès lié au traitement n’a été rapporté.
Cette étude suggère que l’ajout de TM5614 au nivolumab pourrait améliorer la réponse au traitement chez les patients réfractaires aux anti-PD-1, avec une bonne tolérance. Toutefois, la durée limitée du traitement (8 semaines), la petite taille de l’échantillon et l’absence d’évaluation centralisée des réponses limitent l’interprétation des résultats. Une étude de phase III est nécessaire pour confirmer ces données.
Fujimura T, Yoshino K, Kato H, et al. A phase II multicentre study of plasminogen activator inhibitor-1 inhibitor (TM5614) plus nivolumab for treating anti-programmed cell death 1 antibody-refractory malignant melanoma: TM5614-MM trial. Br J Dermatol. 2024;191(5):691-697. doi:10.1093/bjd/ljae231
https://doi.org/10.1016/j.jaad.2024.05.088
Le dermatofibrosarcome protubérant (DFSP) est une tumeur cutanée rare, mais localement agressive, dont l’incidence et les facteurs pronostiques restent peu caractérisés à l’échelle des populations. Si le risque métastatique est historiquement considéré comme faible (2-5 % des cas), les données précises sur les déterminants cliniques et démographiques de cette évolution restent limitées. Cette étude analyse les données du registre Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER) pour préciser l’incidence du DFSP, identifier les facteurs associés aux métastases et évaluer la survie globale et spécifique au cancer.
L’incidence du DFSP est estimée à 6,25 cas par million-personne-années, avec une nette disparité ethnique : elle est deux fois plus élevée chez les individus noirs (8,74 vs 4,53 cas/million chez les caucasiens). Le risque métastatique est significativement augmenté en présence d’une tumeur ≥ 3 cm (OR : 2,24 ; IC 95 % : 1,62-3,12 ; p < 0,001), d’une localisation céphalique ou génitale. De même, la survie globale et spécifique au DFSP est significativement diminuée chez les patients âgés ≥ 60 ans (HR : 6,66 pour la mortalité toutes causes ; p < 0,001) et en cas de tumeur volumineuse (HR : 2,02 ; p < 0,001). L’étude souligne également un effet protecteur du statut socio-économique élevé contre les métastases.
L’ampleur de la cohorte et la robustesse des analyses statistiques confèrent une forte validité à ces résultats, qui actualisent les données épidémiologiques disponibles sur le DFSP. Cependant, les limites inhérentes aux études rétrospectives basées sur des registres sont à considérer. L’absence d’informations sur la prise en charge chirurgicale détaillée et le suivi des récidives limite l’évaluation pronostique à long terme. Par ailleurs, le manque de données histopathologiques précises, notamment sur les grades tumoraux, constitue un biais potentiel. Enfin, l’impact des traitements adjuvants n’est pas analysé, limitant les conclusions cliniques sur la prise en charge optimale
Maghfour J, Genelin X, Olson J, Wang A, Schultz L, Blalock TW. The epidemiology of dermatofibrosarcoma protuberans incidence, metastasis, and death among various population groups: A Surveillance, Epidemiology, and End Results database analysis. J Am Acad Dermatol. 2024;91(5):826-833. doi:10.1016/j.jaad.2024.05.088
https://doi.org/10.1016/j.jaad.2024.06.072
Le carcinome épidermoïde cutané (CEC) est l’un des cancers cutanés les plus fréquents, avec un risque de récidive et de métastases non négligeable. Les recommandations actuelles du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) préconisent une surveillance clinique rapprochée durant les premières années suivant le diagnostic. Cependant, les données précises sur la délai de survenue des récidives et sur la mortalité restent limitées. Cette étude rétrospective multicentrique analyse plus de 23 000 CEC issus de 12 institutions aux États-Unis, en Espagne et au Brésil afin d’affiner les stratégies de suivi.
L’analyse de 782 tumeurs montre que plus de 80 % des récidives locales et des métastases surviennent dans les deux premières années suivant le traitement, et près de 90 % dans les trois premières années. Le délai médian de récidive locale est de 9,1 mois, celui des métastases ganglionnaires de 8,1 mois et celui des métastases à distance de 14,5 mois. Les décès liés au CEC surviennent majoritairement dans les trois ans suivant le diagnostic.
Ces données suggèrent que la surveillance la plus efficace doit être concentrée dans les trois premières années, avec une attention particulière aux patients immunodéprimés, aux tumeurs de grande taille et aux lésions envahissant l’hypoderme. Cette étude bénéficie d’une large cohorte multicentrique et d’une analyse rigoureuse des délais de récidive et de décès. Elle apporte des arguments solides pour ajuster la fréquence du suivi post-traitement. Toutefois, l’absence de données précises sur les modalités thérapeutiques et les facteurs histopathologiques détaillés constitue une limite importante. De plus, la variabilité des pratiques entre les centres participants peut introduire des biais dans l’évaluation des délais de récidive. Enfin, la nature rétrospective de l’étude et l’absence d’une analyse approfondie de l’impact des traitements adjuvants (radiothérapie, immunothérapie) limitent la portée des conclusions
Granger EE, Ran NA, Groover MK, et al. Most cutaneous squamous cell carcinoma recurrences occur in the first 3 years after diagnosis: A multicenter retrospective cohort study. J Am Acad Dermatol. 2024;91(5):957-960. doi:10.1016/j.jaad.2024.06.072
https://doi.org/10.1093/bjd/ljae281
La dermatoscopie est un outil essentiel en dermatologie pour le diagnostic de mélanome grâce à l’analyse des structures sous-épidermiques. L’essor du deep learning, notamment via les réseaux de neurones convolutifs (CNN), a considérablement amélioré l’interprétation des images dermatoscopiques. Cependant, l’utilisation de ces techniques pour prédire la progression du mélanome, en particulier son potentiel métastatique, reste un domaine peu exploré. Cette étude évalue la capacité des caractéristiques profondes extraites des images dermatoscopiques à prédire l’évolution métastatique du mélanome, comparée aux critères histopathologiques classiques comme l’épaisseur de Breslow et l’ulcération.
L’étude inclut 712 patients (65,3 % sans métastases, 34,7 % avec métastases) avec un suivi médian de 60 mois. Un modèle de machine learning basé sur un classificateur à vecteurs de support (SVM) a été entraîné pour distinguer les mélanomes métastatiques des non-métastatiques, en utilisant des caractéristiques extraites via un réseau ResNet 50. Trois modèles prédictifs ont été comparés : 1) deep features seuls, 2) critères histopathologiques (Breslow et ulcération), et 3) combinaison des deux. Les performances des modèles ont été évaluées via l’aire sous la courbe (AUC) et le taux de vrais positifs (TPR).Les résultats montrent que : Le modèle basé sur les deep features atteint une AUC de 0,84 (IC 95 % : 0,80–0,87) et un TPR de 81 %. Le modèle basé sur Breslow et ulcération atteint une AUC de 0,86 et un TPR de 87 %. La combinaison des deux approches (modèle 3) améliore légèrement la prédiction avec une AUC de 0,87 et un TPR de 86 %. Dans le sous-groupe des mélanomes IIB et IIC, le modèle SVM prédit les métastases avec 91 % de précision, suggérant un intérêt potentiel pour le tri des patients éligibles à l’immunothérapie adjuvante.
Cette étude multicentrique apporte une preuve de concept solide sur l’intégration des technologies d’intelligence artificielle dans la prédiction du pronostic du mélanome. La méthodologie rigoureuse, incluant un découpage stratifié des données et une validation croisée sur cinq ensembles indépendants, renforce la robustesse des résultats. Toutefois, plusieurs limites doivent être soulignées : Absence de validation externe : bien que les performances soient encourageantes, des études indépendantes sur des bases de données plus larges sont nécessaires. Interprétabilité limitée des deep features : les caractéristiques extraites par le réseau de neurones ne sont pas directement accessibles au clinicien, ce qui limite leur application immédiate. Manque d’analyse sur l’impact clinique : l’étude ne démontre pas encore comment cette approche pourrait être intégrée concrètement dans les décisions thérapeutiques.
Lallas K, Spyridonos P, Kittler H, et al. Prediction of melanoma metastasis using dermatoscopy deep features: an international multicentre cohort study. Br J Dermatol. 2024;191(5):847-848. doi:10.1093/bjd/ljae281
DERMATOLOGIE INFLAMMATOIRE
Environ 30 % des patients atteints de psoriasis cutané développent par la suite une arthrite inflammatoire ou un rhumatisme psoriasique. Si les biothérapies ciblant les cytokines IL-23, IL-12/23, IL-17 et TNF sont efficaces contre le psoriasis cutané et articulaire, le rôle de ces biothérapie dans la réduction du risque de développer une arthrite inflammatoire, y compris le psoriasis articulaire (PsA), est mal compris. Cette étude rétrospective analyse les données de 7345 patients atteints de psoriasis et recevant une biothérapie, issus de la base états-unienne Optum Clinformatics, suivis jusqu’à trois ans après l’initiation d’une biothérapie.
Les patients inclus étaient traités par inhibiteurs d’IL-23 (n = 2712), d’IL-12/23 (n = 1078), d’IL-17 (n = 811) ou de TNF (n = 2744). L’incidence d’arthrite inflammatoire exprimée en événements pour 100 patients-années était de 4,99 pour les IL-23, 6,06 pour les IL-12/23, 7,29 pour les IL-17 et 9,39 pour les TNF. Après ajustement sur l’âge, le sexe et les comorbidités, les patients recevant un inhibiteur de l’IL-17 présentaient un risque significativement plus élevé d’arthrite inflammatoire que ceux sous IL-23 (HR = 1,44 ; p = 0,0294). Le risque était encore plus élevé avec les TNF (HR = 1,90 ; p < 0,0001). Des analyses de sensibilité, incluant la nécessité d’un double-diagnostic d’arthrite, confirment ces résultats : le risque d’arthrite inflammatoire reste plus faible avec les IL-23 (2,17/100 patients-années) et plus élevé avec les TNF (4,79/100). Les inhibiteurs de l’IL-17 conservent un sur-risque (HR = 1,88 ; p = 0,0087).
Ces résultats suggèrent que les inhibiteurs de l’IL-23 sont associés à un risque plus faible de développement d’arthrite inflammatoire par rapport aux autres classes de biothérapies, en particulier aux anti-TNF et aux anti-IL-17. Toutefois, l’étude est limitée par un possible biais : les médecins pourraient préférer prescrire les anti-TNF et anti-IL-17 aux patients présentant des symptômes articulaires précoces, faussant ainsi l’analyse du risque. De plus, les erreurs de codage médical restent une limite classique des études sur bases de données.
Strober B, Soliman AM, Li C, Patel M, Unigwe I, Gisondi P. Risk of developing inflammatory arthritis in patients with psoriasis initiating treatment with biologics: A population-based analysis. J Am Acad Dermatol. 2024;91(6):1143-1149. doi:10.1016/j.jaad.2024.06.106
10.1001/jamadermatol.2024.3425
La pemphigoïde bulleuse (PB) est la dermatose bulleuse auto-immune la plus fréquente, avec une incidence croissante chez les sujets âgés. Deux antigènes cibles principaux, BP180 et BP230, sont impliqués dans la pathogénie, mais leur corrélation avec la sévérité clinique du PB reste controversée. Cette méta-analyse évalue la relation entre les taux sériques d’anticorps anti-BP180 et anti-BP230 et la gravité de la PB, mesurée par les scores BPDAI (Bullous Pemphigoid Disease Area Index) et ABSIS (Autoimmune Bullous Skin Disorder Intensity Score).
L’analyse inclut 14 études (1 226 patients) et montre une corrélation modérée à forte entre les taux d’IgG anti-BP180 et la sévérité de la PB. À l’inclusion, la corrélation avec le BPDAI est modérée (r = 0,56 ; IC 95 % : 0,46-0,64) et devient forte après trois mois de suivi (r = 0,63 ; IC 95 % : 0,39-0,79). Une évolution similaire est observée pour l’ABSIS, avec une corrélation initiale modérée (r = 0,52) qui s’intensifie à trois mois (r = 0,62). À six mois, la corrélation reste modérée (r = 0,53). En revanche, les niveaux d’anticorps anti-BP230 ne montrent aucune association significative avec la sévérité de la PB, que ce soit au diagnostic ou au suivi. Ces résultats sont confirmés dans les analyses de sous-groupes selon les kits ELISA utilisés.
Ces données suggèrent que les taux d’IgG anti-BP180 pourraient être un biomarqueur pertinent pour suivre l’évolution de la PB et adapter les stratégies thérapeutiques. Toutefois, plusieurs limites doivent être prises en compte : l’hétérogénéité des études incluses, l’absence de standardisation des tests ELISA, et le manque de données sur la dynamique des anticorps après traitement. Des études prospectives standardisées sont nécessaires pour confirmer ces observations et définir des seuils cliniquement pertinents. Les recommandations françaises du PDNS proposent par exemple un arrêt du traitement d’entretien chez les patients en rémission complète depuis plusieurs mois et ayant un taux d’anticorps sériques anti-BP180 inférieur à 27 UI/mL.
Chou PY, Yu CL, Wen CN, Tu YK, Chi CC. Bullous Pemphigoid Severity and Levels of Antibodies to BP180 and BP230: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Dermatol. 2024;160(11):1192-1200. doi:10.1001/jamadermatol.2024.3425
https://doi.org/10.1038/s41467-024-54559-6
Cette étude propose une approche novatrice basée sur les modules immunitaires pour affiner le diagnostic et personnaliser les traitements des maladies inflammatoires cutanées. La caractérisation immunologique des dermatoses inflammatoires a permis de développer des thérapies plus ciblées (mab anti-cytokines, JAKi), mais nous n’utilisons pas ces données immunitaires en pratique clinique pour le moment.
Cet article vise à combler ce vide en établissant une cartographie moléculaire des maladies inflammatoires cutanées à partir d’un profilage transcriptionnel détaillé en identifiant 7 modules immunitaires distincts basés sur l'expression génique de 600 gènes immunitaires dans la peau. Il s’agit des signatures « Th1 » (impliqué dans le lichen plan), « Th2 » (dermatite atopique, pemphigoïde bulleuse), « Th17 » (psoriasis, certaines dermatoses neutrophiliques), « IFN de type I » (lupus cutané), « neutrophilique » (maladies neutrophiliques), « macrophagique » (infiltrations macrophagiques spécifiques), « éosinophilique » (syndrome de Wells). L’objectif étant d’avoir un diagnostic plus précis et une meilleure sélection des traitements.
Ces signatures classent avec précisions les éruptions indéterminées ou « non-répondeurs » à une première ligne de biothérapie, ainsi que les érythrodermies, dont la clinique est souvent aspécifique. Cependant environ 18 % des « non-répondeurs » avaient un profil théoriquement adapté, suggérant des mécanismes de résistance ou un switch de la réponse immunitaire sous traitement. Par ailleurs en analysant les biopsies de 80 patients sous traitement, les chercheurs montrent que le taux de réponse au traitement passe de 76 % à 83 % si la thérapie est choisie en fonction du module dominant du patient, ce qui est significatif, mais semble insuffisant pour la pratique quotidienne par rapport au coût de cette technologie.
A noter que certaines pathologies restent difficiles à classifier, notamment en raison d’une signature transcriptionnelle floue (chevauchement/overlap des signatures). L’élargissement du panel génique et l’intégration d’analyses multi-omiques pourraient affiner cette cartographie pour une application encore plus précise en pratique clinique.
Seremet T, Di Domizio J, Girardin A, et al. Immune modules to guide diagnosis and personalized treatment of inflammatory skin diseases. Nat Commun. 2024;15(1):10688. Published 2024 Dec 18. doi:10.1038/s41467-024-54559-6
Durée d’arrêt du tabac en prévention du psoriasis vulgaire et de la pustulose palmoplantaire
Cette étude de cohorte nationale sud-coréenne a évalué l'impact temporel de l'arrêt du tabac sur le risque de psoriasis vulgaire (PV) et de pustulose palmoplantaire (PPP) à partir des données du Service national coréen d'assurance maladie.
Un total de 5 784 973 individus ayant participé à deux examens de santé bi-annuels consécutifs en 2004-2005 et 2006-2007 ont été inclus et classés en quatre groupes en fonction de l'évolution de leur statut tabagique. Le suivi s'est déroulé de 2008 à 2021. Les analyses de régression de Cox stratifiées ont montré que le risque de PV restait similaire entre les fumeurs ayant arrêté et les fumeurs réguliers jusqu’à neuf ans après l’arrêt. Au-delà, une réduction significative du risque a été observée avec un hazard ratio ajusté de 0,78 entre 9 et 12 ans et de 0,71 après 12 ans. En revanche, le risque de PPP diminuait immédiatement après l’arrêt du tabac avec un hazard ratio ajusté de 0,71 entre 0 et 3 ans et de 0,55 après 12 ans.
Ces résultats suggèrent un effet différentiel du sevrage tabagique sur la pathogenèse du PV et de la PPP. Le maintien du sevrage pendant au moins neuf ans est essentiel pour réduire significativement le risque de PV tandis que l’arrêt du tabac a un effet précoce et durable sur la réduction du risque de PPP.
Kim SR, Choi YG, Jo SJ. Duration of smoking cessation for the prevention of psoriasis vulgaris and palmoplantar pustulosis. Br J Dermatol. 2024;191(6):1027-1029. doi:10.1093/bjd/ljae317
L’hidradénite suppurée (HS) est une maladie inflammatoire chronique de la peau, douloureuse et invalidante, qui impacte fortement la qualité de vie des patients. Son traitement reste un défi, car les options actuelles, notamment les anti-TNF-α, sont souvent insuffisantes, en particulier pour les formes sévères avec tunnels drainants. L’interleukine-36 (IL-36) est une voie inflammatoire impliquée dans plusieurs maladies dermatologiques, et des recherches récentes suggèrent son rôle clé dans la pathogenèse de l’HS, notamment dans les lésions chroniques et les tunnels. Cet article explore pour la première fois l’efficacité du spesolimab, un anticorps monoclonal bloquant l’IL-36R, chez des patients atteints d’HS modérée à sévère. Cet essai est une preuve de concept réalisé en double aveugle, contrôlé par placebo, mené sur 52 patients répartis en deux groupes (spesolimab vs placebo) pendant 12 semaines. L’objectif principal est d’évaluer la variation du nombre total d’abcès et de nodules inflammatoires (AN).
Les résultats montrent que le spesolimab n’apporte pas d’amélioration significative sur ce critère par rapport au placebo. Cependant, plusieurs signaux positifs émergent : le spesolimab réduit de manière importante le nombre de tunnels drainants et améliore les scores IHS4 (International Hidradenitis Suppurativa Severity Score System) et HASI-R (Hidradenitis Suppurativa Area and Severity Index), qui évaluent la sévérité globale de la maladie. En effet, à la semaine 12, le pourcentage de variation du nombre total d'AN était similaire entre les groupes de traitement : -4,1 % [IC95% -31,7 à 23,4]. L'amélioration sur l’IHS4 a été plus importante dans le groupe spésolimab : 13,9, IC95% -25,6 à -2,3), sur la variation en pourcentage du nombre de tunnel drainant (dT) par rapport à la valeur initiale (-96,6 %, IC95% -154,5 à -38,8) et la proportion de patients ayant atteint un nombre de dT égal à 0 (18,3 %, IC95 % -7,9 à 37,5). De plus, une tendance à la diminution de la douleur et une amélioration de la qualité de vie sont observées. Le traitement est bien toléré, avec des effets secondaires majoritairement légers.
Ces résultats suggèrent que l’IL-36 joue un rôle clé dans la formation des tunnels et que le spesolimab pourrait être une option thérapeutique ciblée pour les formes les plus réfractaires d’HS. L’étude comporte plusieurs limites. Tout d’abord, la taille de l’échantillon est petite (52 patients), ce qui limite la puissance statistique et peut expliquer l’absence de différence significative sur le critère principal. Ensuite, la durée de suivi est courte (12 semaines), ne permettant pas d’évaluer l’effet du traitement sur le long terme. On note aussi un déséquilibre entre les groupes au départ, avec une charge inflammatoire plus élevée dans le groupe placebo, ce qui peut biaiser les résultats. Enfin, bien que le spesolimab semble prometteur pour les tunnels drainants, son efficacité globale sur l’HS reste à confirmer dans des études plus larges et sur une période prolongée. En conclusion, cette étude ouvre une nouvelle piste thérapeutique en ciblant l’IL36, mais nécessite des validations supplémentaires avant une éventuelle application clinique.
Alavi A, Prens EP, Kimball AB, et al. Proof-of-concept study exploring the effect of spesolimab in patients with moderate-to-severe hidradenitis suppurativa: a randomized double-blind placebo-controlled clinical trial. Br J Dermatol. 2024;191(4):508-518. doi:10.1093/bjd/ljae144
MEDECINE INTERNE
Efficacité de l’iberdomide sur les manifestations cutanées du lupus érythémateux systémique
Le lupus érythémateux cutané (LEC), souvent associé au lupus systémique (LES), impacte considérablement la qualité de vie, et les options thérapeutiques sont limitées, notamment pour les formes résistantes à l’hydroxychloroquine. Récemment, une étude de phase II a exploré l’efficacité de l’iberdomide, un modulateur des facteurs Ikaros et Aiolos, dans le LES. Cette étude est une analyse post-hoc de l’étude de phase II, évaluant l’efficacité et la sécurité de l’iberdomide dans le traitement des manifestations cutanées du LES.
288 patients avec LEC actif (161 [ACLE], 84 chroniques [LED], 47 subaigus [SCLE]) sont randomisés en 4 groupes : iberdomide 0,45 mg, 0,30 mg, 0,15 mg, et placebo. Le CLASI-A moyen initial est de 6,9, avec 28 % des patients ayant un score ≥8. Chez les patients avec un score CLASI-A ≥8, l’amélioration moyenne à 4 semaines est de 39,7 % avec l’iberdomide 0,45 mg contre 20,1 % avec le placebo (P = 0,032), et atteint 66,7 % contre 54,2 % à 24 semaines (P = 0,295). À 24 semaines, une réduction de ≥50 % du CLASI-A est significativement plus fréquente avec 0,45 mg d’iberdomide pour le SCLE (91,7 % contre 52,9 %, P = 0,035) et le DLE (62,1 % contre 27,8 %, P = 0,029), mais pas dans la population générale (55,6 % contre 44,6 %) ou chez les patients avec CLASI-A ≥8 (66,7 % contre 50,0 %). Ces effets thérapeutiques se maintiennent dans le temps.
Les effets indésirables étaient fréquents (80 % des patients), incluant principalement des infections bénignes et des troubles gastro-intestinaux. Des cas graves, bien que rares, sont rapportés : neutropénie (7 cas), toxidermie (7), cytolyse hépatique (4), et thromboses (3).
Malgré des limites méthodologiques (manque de puissance, biais d’inclusion possible comme des diagnostics erronés de rosacée), l’iberdomide pourrait devenir une option thérapeutique pour certains sous-types de LEC. L’utilisation exclusive de patients atteints de LES actif restreint toutefois la transposabilité des conclusions.
Werth VP, Merrill JT, Furie R, et al. Effect of iberdomide on cutaneous manifestations in systemic lupus erythematosus: A randomized phase 2 clinical trial. J Am Acad Dermatol. Published online October 25, 2024. doi:10.1016/j.jaad.2024.09.074
Les glucocorticoïdes (GC) sont indispensables dans la prise en charge du lupus érythémateux systémique (LES), mais leur usage prolongé entraîne des effets secondaires significatifs. Les recommandations actuelles suggèrent de réduire, voire d’arrêter les GC chez les patients en rémission stable, mais les données manquent sur le risque de rechute. Cette étude multicentrique chinoise (PRESS) évalue l’impact du sevrage des GC, seul ou avec hydroxychloroquine (HCQ), sur le risque de rechute chez des patients atteints de LES cliniquement inactifs.
L’essai a inclus 333 patients en rémission stable sous GC à faible dose et HCQ. Ils ont été répartis en trois groupes : arrêt total des traitements (103), maintien de l’HCQ avec arrêt des GC (109), ou maintien des deux traitements (96). L’objectif principal était de comparer les taux de rechute sur 33 semaines (8 mois).
Les résultats montrent un taux de rechute de 26,1 % dans le groupe sans traitement, 11,2 % dans le groupe HCQ et 4,7 % dans le groupe combiné. L’arrêt total des traitements entraîne un risque de rechute significatif (différence de 21,4 % avec le groupe combiné, p(non-infériorité) = 0,238), alors que l’HCQ seule semble suffisante pour maintenir la rémission (différence de 6,5 % avec le groupe combiné, p(non-infériorité) = 0,034). Les rechutes étaient principalement des atteintes cutanées ou rénales, plus fréquentes sans HCQ.
Malgré ces résultats encourageants, l’étude présente des limites : un suivi court (33 semaines), un échantillon exclusivement chinois limitant l’extrapolation à d’autres populations, et une absence d’évaluation à long terme des effets du sevrage.
En conclusion, le sevrage des GC est envisageable chez certains patients, mais l’HCQ semble jouer un rôle protecteur clé contre les rechutes. Ces résultats pourraient influencer les stratégies de gestion du LES, mais des études plus longues et multicentriques sont nécessaires pour confirmer ces observations.
Fei Y, Zhao L, Wu L, et al. Evaluation and prediction of relapse risk in stable systemic lupus erythematosus patients after glucocorticoid withdrawal (PRESS): an open-label, multicentre, non-inferiority, randomised controlled study in China. Ann Rheum Dis. Published online November 13, 2024. doi:10.1136/ard-2024-225826
Efficacité des traitements anti-interféron dans la dermatomyosite
10.1016/S0140-6736(24)02071-3 + 10.1016/j.jaad.2024.07.1491
1. Une étude randomisée de phase 2 avec le dazukibart
Cette étude évalue le risque de développer une arthrite inflammatoire chez les patients atteints de psoriasis (PsO) traités par biothérapies, à l’aide de données de suivi de l’Optum Clinformatics Data Mart (2007-2023). Les patients traités par inhibiteurs de l'IL-23 (n = 2712) présentent un taux d'incidence plus faible (4,99 événements/100 années-personnes) comparé aux groupes sous inhibiteurs de l'IL-17 (7,29) et du TNF (9,39). Le risque est significativement plus élevé avec les inhibiteurs du TNF (HR 1,90) et de l'IL-17 (HR 1,44) par rapport à l'IL-23. La méthode statistique inclut des analyses de sensibilité pour confirmer ces résultats.
Des biais potentiels incluent des erreurs de codage médical et un biais protopathique lié aux prescriptions. En conclusion, cette étude suggère que les inhibiteurs de l'IL-23 pourraient être une option plus sûre pour limiter l’apparition de l'arthrite inflammatoire chez ces patients.
Strober B, Soliman AM, Li C, Patel M, Unigwe I, Gisondi P. Risk of developing inflammatory arthritis in patients with psoriasis initiating treatment with biologics: A population-based analysis. J Am Acad Dermatol. Published online August 27, 2024. doi:10.1016/j.jaad.2024.06.106
2. Une étude rétrospective avec l’anifrolumab
L’atteinte cutanée de la dermatomyosite réfractaire aux traitements conventionnels représente un défi thérapeutique majeur. L’implication des interférons de type I dans sa pathogenèse en fait une cible thérapeutique intéressante, mais aucun traitement standardisé n’existe à ce jour.
Cet article présente une étude rétrospective multicentrique menée sur 7 patients atteints de dermatomyosite cutanée réfractaire traités par anifrolumab dans 3 centres aux États-Unis. Dans cette cohorte (âge médian : 40 ans, 6 femmes), les patients avaient déjà reçu en moyenne huit traitements systémiques sans succès. Tous les patients montrent une amélioration significative de leur atteinte cutanée. Après 2 doses d’anifrolumab, la diminution moyenne du score CDASI-A est de 13 points (soit 49,4 %). Parmi les trois patients ayant reçu au moins quatre doses, l’amélioration se poursuit à 5 mois avec une réduction moyenne de 19 points (77,4 %). Cette réponse dépasse largement les seuils de 4-5 points ou 20 % considérés comme cliniquement significatifs dans la dermatomyosite. Des effets indésirables sont observés: deux infections respiratoires et un abcès péri-amygdalien.
L’étude comporte des limites importantes : l’échantillon est restreint, le suivi est limité et l’analyse rétrospective ne permet pas de conclure sur la causalité. Malgré ces limites, ces résultats suggèrent que l’anifrolumab pourrait être une option thérapeutique prometteuse chez les patients en échec des traitements standards. Une étude multicentrique est en cours en France.
Shaw KS, Hashemi KB, Castillo RL, et al. Anifrolumab in recalcitrant cutaneous dermatomyositis: A multicenter retrospective cohort study. J Am Acad Dermatol. 2024;91(6):1217-1219. doi:10.1016/j.jaad.2024.07.1491
La maladie de Behçet est une maladie inflammatoire multisystémique rare, caractérisée notamment par des atteintes muqueuses et cutanées récurrentes. Lorsqu’elle est sévère et résistante aux traitements conventionnels (azathioprine, cyclosporine), les options thérapeutiques sont limitées. Les anti-TNF (infliximab et adalimumab) sont déjà utilisés hors AMM pour cette indication, mais peu d’études contrôlées ont évalué leur efficacité et leur tolérance.
Cette étude multicentrique randomisée a inclus 40 patients atteints de Behçet sévère avec atteinte muco-cutanée active malgré un traitement immunosuppresseur (azathioprine ou cyclosporine). Ils ont été répartis en deux groupes recevant soit l’infliximab, soit l’adalimumab, et suivis pendant 6 mois. Le critère principal était le délai de réponse (complète ou partiel) aux traitements.
Les résultats montrent une amélioration significative dans les deux groupes : 94 % des patients sous adalimumab et 64 % sous infliximab ont répondu au traitement (p=0,023). Le délai médian de réponse était plus rapide avec l’adalimumab (42 jours contre 152 jours sous infliximab, p=0,001). La qualité de vie s’est significativement améliorée dans les deux groupes. Concernant la tolérance, les deux traitements ont été bien supportés. A noter un infarctus du myocarde sous adalimumab.
En conclusion, cette étude confirme l’efficacité des anti-TNF, avec un avantage potentiel pour l’adalimumab en termes de rapidité de réponse. Toutefois, le faible effectif, la durée limitée du suivi et les événements indésirables nécessitent des études complémentaires avant une généralisation de leur usage en première ligne.
Talarico R, Italiano N, Emmi G, et al. Efficacy and safety of infliximab or adalimumab in severe mucocutaneous Behçet's syndrome refractory to traditional immunosuppressants: a 6-month, multicentre, randomised controlled, prospective, parallel group, single-blind trial. Ann Rheum Dis. Published online October 17, 2024. doi:10.1136/ard-2024-226113
DERMATO-ALLERGOLOGIE
10.1001/jamadermatol.2024.4796
Le prurigo nodulaire est une dermatose inflammatoire chronique caractérisée par un prurit sévère et des nodules cutanés persistants. Le némolizumab, un anticorps bloquant le récepteur de l’IL-31, pourrait atténuer le prurit et l’inflammation. L’étude OLYMPIA 1 est un essai de phase III randomisé, contrôlé contre placebo, évaluant l’efficacité et la tolérance du nemolizumab chez 286 patients atteints de prurigo nodulaire modéré à sévère. Les patients (âge moyen : 57,5 ans) ont reçu du némolizumab (30 mg si <90 kg, 60 mg si ≥ 90 kg) ou un placebo, administré toutes les 4 semaines pendant 24 semaines. Les critères d’évaluation principaux étaient l’amélioration du prurit (réduction ≥4 points sur l’échelle PP-NRS) et l’amélioration clinique (score IGA 0/1 avec réduction ≥2 points).
Après 16 semaines, 58,4 % des patients sous némolizumab ont atteint une amélioration du prurit contre 16,7 % sous placebo (Δ = 40,1 %, p < 0,001). L’amélioration clinique est observée chez 26,3 % des patients sous némolizumab contre 7,3 % sous placebo (p = 0,003). À 24 semaines, ces taux sont respectivement de 58,3 % vs. 20,4 % pour le prurit et 30,5 % vs. 9,4 % pour l’IGA 0/1. Une amélioration significative du sommeil est également rapportée. Le némolizumab est bien toléré, avec des effets indésirables principalement légers à modérés. Les plus fréquents sont les céphalées (7 % vs. 2,1 % sous placebo) et l’eczéma (5,3 % vs. 1,1 %). L’incidence des effets indésirables graves est comparable entre les groupes.
Cette étude confirme l’efficacité du némolizumab dans le prurigo nodulaire en améliorant rapidement et durablement le prurit, les lésions et la qualité de vie. Toutefois, des études à plus long terme sont nécessaires pour évaluer son efficacité prolongée et son profil de tolérance. Cette molécule s'intègre donc dans l’arsenal thérapeutique du prurigo nodulaire, avec le dupilumab (anticorps anti-IL4), également approuvé dans cette indication.
Ständer S, Yosipovitch G, Legat FJ, et al. Efficacy and Safety of Nemolizumab in Patients With Moderate to Severe Prurigo Nodularis: The OLYMPIA 1 Randomized Clinical Phase 3 Trial. JAMA Dermatol. Published online November 27, 2024. doi:10.1001/jamadermatol.2024.4796
Intérêt des inhibiteurs de JAK dans la nécrolyse épidermique toxique/syndrome de Lyell ?
https://doi.org/10.1038/s41586-024-08061-0
La nécrolyse épidermique toxique (NET) est une réaction médicamenteuse grave et souvent fatale, causée par la destruction des kératinocytes. Les mécanismes immunitaires impliqués restent mal compris et aucun traitement efficace n’existe.
Grâce à une technologie innovante, la protéomique spatiale, cette étude identifie l’activation de la voie JAK/STAT comme un moteur clé dans la physiopathologie de la nécrolyse épidermique toxique (NET). Cette technique a permis de quantifier plus de 5 000 protéines dans les kératinocytes et cellules immunitaires infiltrantes. Les résultats révèlent une activation marquée de la voie JAK/STAT, caractérisée par une forte phosphorylation de STAT1, signalant une hyperactivation des interférons de type I et II. Les auteurs montrent ensuite une certaine efficacité des inhibiteurs de JAK (JAKi) sur un modèle murin, puis chez 7 patients (stabilisation des lésions en 48h, réépithélisation en 4 jours et rémission quasi-complète en près de 2 semaines), sans effet secondaire notable.
Les résultats, bien que prometteurs, proviennent d’un petit échantillon de patients et de modèles murins. Des essais cliniques plus larges sont nécessaires pour confirmer la sécurité et l’efficacité des JAKi à grande échelle.
Nordmann TM, Anderton H, Hasegawa A, et al. Spatial proteomics identifies JAKi as treatment for a lethal skin disease. Nature. 2024;635(8040):1001-1009. doi:10.1038/s41586-024-08061-0
DERMATOLOGIE INFECTIEUSE
10.1001/jamadermatol.2024.3410
La névralgie post-zoostérienne est une complication fréquente du zona, altérant considérablement la qualité de vie de vie des patients. Cette étude de phase III a évalué la crisugabaline (composé HSK16149) un ligand de la sous-unité α2δ-1 des canaux calciques, à deux posologies (40 mg/j et 80 mg/j), chez 366 patients recrutés dans 48 centres en Chine.
Les participants, âgés en médiane de 63 ans, ont été randomisés en trois groupes : 40 mg/j, 80 mg/j, ou placebo, pour une durée de 12 semaines. L’efficacité a été mesurée par la réduction du score de douleur moyenne quotidienne (ADPS). À 12 semaines, la diminution moyenne de l’ADPS était de -2,2 pour la dose de 40 mg et de -2,6 pour celle de 80 mg, contre -1,1 pour le placebo (p<0,001 pour les deux comparaisons). Le taux de répondeurs (≥30 % de réduction de la douleur) était de 61,2 % (40 mg) et 54,5 % (80 mg) contre 35,5 % pour le placebo. Sur le plan de la tolérance, la crisugabaline a été bien tolérée. Les effets indésirables les plus fréquents étaient les vertiges (24,6 % pour 80 mg, 5,7 % pour 40 mg) et la somnolence (9,8 % et 3,3 % respectivement). Les événements indésirables graves étaient rares et comparables au placebo (≈3 % des patients).
Cette étude confirme l’efficacité de la crisugabaline pour la névralgie post-zoostérienne. Toutefois, l’absence de comparateur et l’exclusion des patients non répondeurs aux traitements standards limitent l’extrapolation des résultats. Cette étude ne permet donc pas de classer la crisugabaline dans l’arsenal thérapeutique avec d’autres molécules présentes sur le marché et déjà utilisées comme la gabapentine, la prégabaline ou encore les patchs de capsaïcine ou de lidocaïne.
Zhang D, Lei T, Qin L, et al. Efficacy and Safety of Crisugabalin (HSK16149) in Adults with Postherpetic Neuralgia: A Phase 3 Randomized Clinical Trial. JAMA Dermatol. 2024;160(11):1182-1191. doi:10.1001/jamadermatol.2024.3410
DERMATOLOGIE PEDIATRIQUE
https://doi.org/10.1016/j.eclinm.2024.102900
Des études précliniques ont montré que l’inhibition du récepteur de l’angiotensine II (AT1R) par le losartan pourrait réduire l’inflammation et la fibrose dans l’épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (EBDR). Cet essai clinique de phase 1/2 a évalué la tolérance et l’efficacité potentielle du losartan chez des enfants atteints de RDEB.
L’étude a inclus 29 enfants âgés de 2 à 16 ans présentant une RDEB confirmée génétiquement. Les participants ont reçu du losartan pendant 9 mois, suivi de 3 mois de surveillance après arrêt du traitement. Aucun effet indésirable grave lié au losartan n’a été observé.
On retrouve une réduction modérées des scores d’activité, du prurit et de la qualité de vie. L’étude montre aussi une diminution de la fibrose, ce qui pourrait avoir un impact sur le cours évolutif de la maladie. Cependant il n’y a pas de groupe contrôle, ce qui peut influencer ces résultats. Un essai de phase 3 avec un groupe témoin et un suivi plus long est nécessaire pour confirmer ces observations et envisager une utilisation clinique plus large.
Kiritsi D, Schauer F, Gewert S, et al. Safety and tolerability of losartan to treat recessive dystrophic epidermolysis bullosa in children (REFLECT): an open-label, single-arm, phase 1/2 trial. EClinicalMedicine. 2024;77:102900. Published 2024 Oct 30. doi:10.1016/j.eclinm.2024.102900
Intérêt du sirolimus pour les malformations vasculaires à flux lent (étude SIROLO)
https://doi.ord/10.1111/jdv.20385
Les malformations vasculaires à flux lent entraînent douleurs, saignements et altérations fonctionnelles. Le sirolimus est utilisé comme traitement, mais son efficacité et sa tolérance à long terme restent mal connues.
L’étude SIROLO montre que le sirolimus est efficace pour réduire la douleur, les saignements et l’ulcération, mais a un effet limité sur la taille des lésions. Il est globalement bien toléré, même si 6 patients (9 %) ont présenté des effets secondaires graves, dont 2 cas de kystes ovariens et des infections sévères nécessitant l’arrêt du traitement chez un patient. 11 patients (16,4 %) ont dû interrompre temporairement le traitement, entraînant une récidive des symptômes après 6 mois en moyenne.
Les données proviennent d’une étude rétrospective, sans groupe témoin.
Maillet C, Boccara O, Mallet S, et al. Long-term effects of sirolimus treatment for slow-flow vascular malformations: Real-world evidence from the French observational multicentre SIROLO study. J Eur Acad Dermatol Venereol. Published online November 25, 2024. doi:10.1111/jdv.20385
REVUES DE LA LITTÉRATURE INTÉRESSANTES
Current and emerging intralesional immunotherapies in cutaneous oncology: Stull CM, Clark D, Parker T, Idriss MH, Patel VA, Migden MR. Current and emerging intralesional immunotherapies in cutaneous oncology. J Am Acad Dermatol. 2024;91(5):910-921. DOI: 10.1016/j.jaad.2024.05.095
Antibody-drug conjugates: A review of cutaneous adverse effects: Saberi SA, Cheng D, Nambudiri VE. Antibody-drug conjugates: A review of cutaneous adverse effects. J Am Acad Dermatol. 2024;91(5):922-931. DOI: 10.1016/j.jaad.2024.07.1463
Inflammatory and vaso-occlusive ulcers: - Part I : Shakshouk H, Hines A, Kody S, Fett N, Alavi A, Ortega-Loayza AG. Inflammatory and vaso-occlusive ulcers: Part I - Clinical presentation and diagnosis. J Am Acad Dermatol. 2024;91(6):1035-1048. DOI: 10.1016/j.jaad.2024.01.083; - Part II : Hines A, Kody S, Shakshouk H, Fett N, Alavi A, Ortega-Loayza AG. Inflammatory and vaso-occlusive ulcers: Part II - Management. J Am Acad Dermatol. 2024;91(6):1051-1066. DOI: 10.1016/j.jaad.2023.12.077
Nonsurgical Management of Chronic Venous Insufficiency: DOI: 10.1056/NEJMcp2310224
Cryoglobulinemia — One Name for Two Diseases: DOI: 10.1056/NEJMra2400092
Erythema multiforme: DOI: 10.1016/j.eclinm.2024.102909
Hidradenitis suppurativa: DOI: 10.1016/S0140-6736(24)02475-9
Hand eczema: DOI: 10.1016/S0140-6736(24)01810-5
RECOMMANDATIONS/CONSENSUS D'EXPERTS
EuroGuiderm guideline on lichen sclerosus—Treatment of lichen sclerosus: Kirtschig G, Kinberger M, Kreuter A, et al. EuroGuiderm guideline on lichen sclerosus-Treatment of lichen sclerosus. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2024;38(10):1874-1909. DOI: 10.1111/jdv.20083
Results from the international collaborative systematic literature review informing the 2023 EULAR recommendations for the treatment of systemic sclerosis: Lescoat A, Bertoldo E, Čolić J, et al. Results from the international collaborative systematic literature review informing the 2023 EULAR recommendations for the treatment of systemic sclerosis. Ann Rheum Dis. Published online November 7, 2024. DOI: 10.1136/ard-2024-226429
2024 European guidelines for the management of genital herpes: Patel R, Moran B, Clarke E, et al. 2024 European guidelines for the management of genital herpes. J Eur Acad Dermatol Venereol. Published online December 2, 2024. DOI: 10.1111/jdv.20450
Il s’agit d’une revue subjective de la littérature, qui se veut la plus exhaustive possible, avec de courts résumés écrits par des internes de Dermatologie Vénérologie, qui ne sont évidemment pas les spécialistes des sujets abordés et dont le contenu n’engage que le pôle rédaction et les membres de l’association ayant participé à sa rédaction. Nous vous engageons à lire les articles sélectionnés pour vous faire votre propre idée. Nous serions heureux d’avoir vos retours et critiques au mail suivant : lisa.maudet@fdvf.org
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Veille bibliographique coordonnée et rédigée par : Samy Belkaid (Lyon), Inès Chircop (Lyon), Nadia Ikhlef (Lyon), Lucas Klepfisch (Lyon), Emmanuel Ribereau-Gayon (Lyon)